230 mètres de haies plantées à Soudan (79)

Pamproux le 2 février 2021

 

Les enfants de maternelle de l'école de Soudan ont participé à la plantation des arbres et arbustes

A l’initiative de la famille Braconnier, locataire des parcelles concernées, avec l’accord enthousiaste des propriétaires Michel et Marie-Agnès Bordage (eux-mêmes anciens agriculteurs) et grâce à l’aide technique de Prom’Haies, et la participation de la commune de Soudan, un secteur agricole, entre Soudan et Pamproux, possédant encore quelques reliquats de bocage, a fait l’objet d’une plantation d’une nouvelle haie le long d’une parcelle cultivée sur environ 230 m de longueur.

Une vingtaine de personnes se sont ainsi retrouvées sur le site le mardi 2 février 2021 pour participer à cette recréation de paysage. Samuel Fichet, de l’association « Prom’haies », après avoir expliqué le choix des essences et la méthodologie appropriée pour réaliser le chantier, s’est également transformé en animateur pour une classe de maternelle de l’école de Soudan venue malgré le vent, la pluie et la boue, pour que les enfants participent activement à cette plantation. Coup de chapeau aux enfants et à leur instituteur pour ce morceau d’école dans la nature malgré les mauvaises conditions climatiques !

C’est une haie double mélangeant grands et petits arbres (cormier, chêne pubescent ainsi que des chênes verts, pommier et poirier, érable dont l’érable de Montpellier, viornes, cornouillers, alisier torminal, aubépine…) qui a ainsi été créée.

Une fois la plantation réalisée en une bonne demi-journée, un paillage important destiné à protéger les petits plans a été installé avec de la paille de lin pour l’essentiel. En mars, afin de repousser les chevreuils qui pourraient être tentés par cette manne, de la laine de moutons sera répandue autour des plants. Il semble que ce produit soit un bon répulsif, ce qui évite de mettre des protections en plastique autour de chaque arbre.

Nul doute que la famille Braconnier va suivre de près l’évolution de cette haie. Celle-ci devrait se révéler rapidement fonctionnelle pour l’accueil de nombreuses espèces étant donné qu’elle est directement reliée à un réseau déjà existant.

Aujourd’hui, malgré une politique agricole désastreuse autant pour la biodiversité, les sols que pour les agriculteurs eux-mêmes, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir replanter ou à maintenir des éléments du paysage dans lesquels ils s’identifient ; les paysans du bocage comprennent combien il est important pour les consommateurs d’associer telle ou telle production à tel ou tel paysage, telle ou telle qualité de vie, telle ou telle action en faveur du vivant. Dans ce type de paysage totalement créé par les paysans, une importante biodiversité a su s’y développer et tout aujourd’hui, démontre que ces interrelations qui se sont ainsi créées sont bénéfiques à tout point de vue.

Ainsi, si le rôle essentiel des haies est reconnu depuis longtemps (Dominique Soltner publie sur ce sujet depuis une bonne quarantaine d’années…), il a depuis été largement confirmé par nombre de publications scientifiques et d’organismes spécialisés comme l’INRA.
Parmi ces rôles qui dépendent bien entendu de la structure des haies, des sols, de la diversité des pratiques agricoles, de l’exposition et de la topographie, on peut noter :

- Une régulation plus efficace sur le climat local et régional, grâce à l’influence des haies sur le vent et le rayonnement. Au sein de la matrice agricole, ce sont les haies et les alignements d'arbres qui jouent ce rôle et qui confèrent alors au paysage son aspect bocager.
- Un frein au ruissellement et au phénomène d’érosion des sols souvent associé et par là même un frein au transfert des polluants dans les eaux superficielles et souterraines, tout particulièrement à l’échelle d’un bassin versant bocager.
- Un rôle positif sur la fertilité des sols. La haie est une zone tampon, l’eau s’infiltre mieux à proximité de la haie grâce aux racines des arbres qui permettent de décompacter le sol, à l’accumulation de matière organique qui favorise la vie microbienne et permet à l’eau et à l’air de mieux circuler.
- Les haies constituent une barrière naturelle qui évite la dérive des produits phytosanitaires et permet de lutter contre la contamination de l’air par les pesticides
- A l'échelle parcellaire, une bonne haie brise-vent réduit de 50% environ la vitesse du vent entre 0 et 10 fois sa hauteur dans la parcelle située "sous le vent", et de 25% environ entre 10 et 20 fois sa hauteur. Elle permet ainsi aux plantes, grâce à la baisse de l'évapo-transpiration potentielle, de maintenir plus longtemps voire constamment ouverts leurs stomates, favorisant ainsi une activité photosynthétique plus importante au profit du rendement des cultures.

Dans les cas les plus modestes, les rendements des cultures sur les surfaces abritées par un brise-vent sont de 6 à 20% supérieurs à ceux obtenus en zone exposée au vent et sont plus nets en période de sécheresse (Smith, 1929; Soegaars, 1954; Bender, 1955 ; in Soltner, 1995) ; dans les cas extrêmes, ils sont de 40 à plus de 100% (Duthil, 1973; Vanhee, 1957; Caluianu et al., 1959 ; in Soltner, 1995). L'appétibilité des cultures fourragères est elle aussi significativement augmentée, de 20% ou plus selon Soltner (1995).

L’importance d’un bon réseau de haies pour le vivant et les conséquences pour les cultures

Les haies ainsi que les bandes enherbées qui les bordent, procurent des abris, des zones de déplacement et des sources de nourriture pour quantité d’espèces qui se sont très bien adaptées à ce paysage modelé par les activités humaines. La richesse biologique d’une haie dépend beaucoup de sa structure, mais, globalement, elle est constituée d’une grande diversité d’oiseaux insectivores, de serpents et de mammifères consommateurs de petits rongeurs et d’une multitude de petits animaux (insectes, arthropodes…) donc, de nombreux auxiliaires (ennemis naturels des ravageurs des cultures). Ainsi, les carabes, grands consommateurs, entre autres, de limaces, passent l’hiver dans les haies. En 24 heures, un carabe peut en manger trois fois son poids. Les acariens auxiliaires sont attirés dans les bandes enherbées et les zones boisées. Certaines espèces de chauves-souris insectivores s’abritent dans des trous d’arbres et s’alimentent à proximité des haies, lisières et vergers. Bien entendu, ces haies peuvent aussi abriter des ennemis des cultures mais lorsque tout ce petit monde vit en interrelation, les problèmes sont nettement diminués. C’est ce qui explique qu’une biodiversité élevée ne peut qu’être bénéfique pour les agriculteurs. Cette biodiversité élevée contribue à la production de divers « services écologiques » Les auxiliaires limitent presque toujours les populations de ravageurs !

Vers quel avenir ?

Ce sont les paysans qui ont les clés de l’avenir des bocages. Bien entendu, ils ne sont pas totalement libres car très dépendants d’une certaine vision de l’agriculture prônée par le principal syndicat majoritaire et la politique européenne largement sous le contrôle de ce syndicat (Madame Lambert, présente de la FNSEA est aussi devenue présidente du principal syndicat agricole européen (le Copa, Comité des organisations professionnelles agricoles, très très proche de la FNSEA ! Malgré tout, il y a de plus en plus de paysans qui revendiquent leur appartenance à un territoire bien identifié (bocage) et utilisent cette appartenance pour mieux vendre leurs produits. Il faudrait que sur les emballages de fromage, de lait, de viande, de légumes, on retrouve une photo du paysage concerné et des précisions sur les actions menées par ces paysans pour soutenir de tels milieux. On commence à voir ça sur les bières, voire sur certains vins, certains fromages, pourquoi ne pas élargir ? C’est à l’ensemble des consommateurs de travailler pour changer de modèle agricole mais les paysans ont un rôle fondamental à jouer dans ce domaine.

Le Centre régional d'innovation et de transfert de technologie d’Orléans, préconise, pour que les haies remplissent pleinement leur rôle bénéfique, de limiter la taille des parcelles. Il faut une véritable prise de conscience du monde agricole sur l’intérêt des haies. Cette prise de conscience évolue favorablement mais tant que des aides seront apportées aux plus grandes installations en incitant à l’agrandissement des parcelles, il suffira toujours, au niveau local, d’un ou deux exploitants moins motivés pour détruire entièrement un paysage bocager. A l’heure où l’Etat semble prêt à consacrer des millions d’euros pour la création de gigantesques bassines agricoles qui ne profiteront qu’à quelques agriculteurs industriels, il serait plus efficace que les plantations de haies soient mieux encouragées en prenant en compte le temps nécessaire à leur entretien. Il faut aussi décourager les destructions. Lorsqu’un exploitant décide de détruire ses haies sur son exploitation, il devrait être sanctionné (arrêt des aides PAC par exemple). Bien entendu, les coûts induits par l’entretien de ces haies n’est pas neutre et devrait aussi être pris en compte dans les aides attribuées.

Rappelons aussi que ce que nous appelons bocage, ne se limite pas à la présence de haies. Ce paysage comporte aussi de nombreux autres éléments comme des prairies et des cultures mais aussi des haies, des mares, des bosquets, chemins et ruisseaux. Le maintien de ces éléments passe aussi par des pratiques agricoles diversifiées au sein d’une même ferme.

La famille Braconnier souhaite prolonger cette dynamique. Une rencontre sera prochainement organisée avec les agriculteurs, les élus et habitants de la commune pour envisager des suites : plantations nouvelles, haies spontanées, connaissance des haies existantes, entretien… Le tout en lien avec l’association « Prom’Haies » qui, avec l’association du nord Deux-Sèvres « Bocage, pays branché », participe pleinement à ces restructurations paysagères indispensables pour l’avenir ainsi qu'avec la participation de la commune de Soudan.

Pierre Grillet, le 7 février 2021

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