"Et le monde devint silencieux..."

Ras le bol de ces associations environnementales qui ne font que servir d’alibi pour les plus gros destructeurs de la planète !

Pour éviter un débat inutile
Certes, tous les humains sont des destructeurs en puissance. Nous détruisons des vies lorsque nous roulons en voiture, nous marchons ou encore en nous nourrissant. Chacun peut faire en sorte de limiter certaines destructions en roulant moins souvent, moins vite, en mangeant moins de viande, en consommant moins, en faisant attention à la manière dont nos objets sont produits, en ne tondant pas sa pelouse une fois par semaine… Mais soyons bien d’accord : si un comportement individuel plus responsable est certes nécessaire, il ne permettra pas, à lui seul, de stopper en profondeur le pillage généralisé de la planète et les inégalités.
Celles et ceux que nous appelons ici des destructeurs sont avant tout les premiers profiteurs d’un système basé sur la performance, la compétition, les inégalités et la destruction. Ce sont celles et ceux qui profitent directement de la sur exploitation des ressources naturelles et de l’exploitation de millions d’individus. Celles et ceux qui ne cessent de créer de nouveaux besoins (le plus souvent inutiles) mais qui n’hésitent pas à en rendre responsables les citoyens consommateurs. Celles et ceux qui se dotent d’un vocabulaire aimable, écolo, plein d’humanisme, mais qui, dans leurs actions quotidiennes, font totalement l’inverse. Celles et ceux parés de toutes les vertus dans leur pays d’origine mais qui font exactement le contraire ailleurs. Celles et ceux avec lesquels il faut rompre définitivement et se battre pour obtenir l’arrêt de leurs activités destructrices.
Les associations ou ONG environnementales alibi des destructeurs…
Les plus grands organismes mondiaux de protection de la nature (anciennement associations devenues au fil de années des organisations non gouvernementales – ONG -) sont complices de ces destructions (Union internationale pour la conservation de la nature - UICN -, The Nature Conservation – TNE -, le Fonds mondial pour la nature – WWF – pour ne citer qu’eux). Tous ces organismes ont fait le choix de se développer en s’alliant avec les plus importantes multinationales pour des résultats négatifs étant donné l’érosion importante du vivant, érosion prouvée par une multitude d’articles scientifiques.
L’UICN fait référence au niveau mondial en matière de protection de la nature et publie régulièrement les fameuses listes rouges d’espèces menacées. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses ressources se présente d’ailleurs comme « le plus vaste réseau mondial de protection de l’environnement ». En décembre 2013, le Conseil de l’UICN a accueilli parmi ses membres la première organisation économique mondiale à but non lucratif : le « Conseil mondial des affaires pour le développement durable », qui regroupe entre autres : General Motors, DuPont, 3M, Deutsche Bank, Coca-Cola, Sony, Caterpillar, BP, Royal Dutch Shell, Lafarge, Areva, EDF, GDF Suez, Havas Group, L'Oréal, Michelin, Schneider Electric, Suez Environnement, Veolia Environnement, Monsanto, Syngenta, Novartis, Bayer, Apple, Total, Nestlé, Rio Tinto pour avoir « un Impact positif net sur la biodiversité. » Une telle liste se passe de commentaires.
De plus, l’UICN organise tous les 4 ans son congrès mondial de la nature. Le prochain doit se tenir en France à Marseille en septembre 2021 (après avoir été reporté deux fois en raison du Covid). Pourquoi se croit-elle obligée d’encenser le gouvernement français sur sa politique de protection de la nature ? « Notre pays hôte, la France, possède non seulement une longue histoire de leadership sur les questions environnementales, mais a également montré un engagement solide pour l'avenir de la conservation de la nature » a ainsi déclaré Malik Amin Aslam Khan, Vice-Président de l'UICN. Emmanuel Macron y sera-t-il encore présenté comme un « champion du vivant »(1) ? Il y a 4 ans, son congrès se tenait à Hawaï, une véritable zone expérimentale à ciel ouvert pour les géants de l’agrochimie (2) dont plusieurs sont membres de l’UICN ! (3) Cherchez l’erreur.
The Nature Conservancy, le plus souvent connue sous l’appellation TNC, s’affiche, elle aussi, comme « la principale organisation de conservation au monde ». Son président, issu de la banque d’affaires Goldman Sachs, argumente que leur objectif est de convaincre l’entreprise qu’elle dépend du capital naturel, afin de l’inciter à investir dans sa protection et sa gestion pour sa propre survie. Il justifie ainsi ses très nombreux partenariats avec les pires pollueurs de la planète dont le célèbre chimiste « Dow », la non moins célèbre multinationale « Shell » … Elle est liée depuis 2007 par un partenariat avec Syngenta (un des leaders mondiaux de l’agro chimie).
En ce qui concerne le WWF, cette association veut « accompagner les entreprises et le monde de la finance vers une meilleure prise en compte des questions environnementales », en particulier sur le thème du climat. Il s’agit d’un choix stratégique qui offre (moyennant finance) aux entreprises qui acceptent de s’engager avec cette ONG une image positive vis-à-vis de l’environnement. Certains organismes de loisirs par exemple savent parfaitement bien qu’en ayant un label ou un partenariat affiché avec le WWF, une certaine catégorie de touristes sera attirée. Et de très nombreuses entreprises profitent de cette image, parmi lesquelles Coca cola, Toyota, Lafarge, Pierre & Vacances, Carrefour, Poma, Danone, IKEA, Crédit agricole, même les futurs jeux olympiques de Paris ! Comment peut-on faire confiance à de telles démarches ? Ainsi, le WWF recommande aujourd’hui Ferrero (Nutella) qui, d’après l’organisation de protection de la nature, utiliserait uniquement de l’huile de palme dite « durable » et serait devenu l’un des producteurs les plus vertueux de la planète sur la question environnementale. Mais pourquoi est-il si difficile de connaître la nature exacte des contrats passés entre le WWF et Ferrero ainsi que les apports financiers ? Le doute existe d’autant plus lorsqu’on découvre les agissements de la firme auprès d’associations de protection de la nature pour parvenir à ses fins. Un récent article au titre évocateur «Ferrero voulait rémunérer une association écologiste pour mieux se débarrasser d’un recours en justice » publié par « Mediapart » et « Le Poulpe » met en lumière de tels comportements(4).
Malheureusement, il semble bien que les plus importantes de nos associations de protection de la nature en France se sont, elle aussi, engagées sur le même chemin. Elles utilisent pour cela un mot magique : le « partenariat » qui la plupart du temps se résume à un partenariat d’opportunités sous la forme d’une rétribution financière pour telle ou telle étude.
« Et le monde devint silencieux »
C’est le titre du livre de Stéphane Foucard (5) , journaliste au Monde et qui dévoile, entre autres, comment l’agrochimie qui détruit les insectes a infiltré tout en instrumentalisant des organisations scientifiques reconnues et des ONG de protection de la nature. Outre de très nombreux exemples concrets de ces liens contre nature, l’auteur nous présente James Todd, ancien président de l’American Medical Association (AMA). Ce patron de la principale société professionnelle de médecins américains, écrit en 1994 à tous les doyens des facultés de médecine des États-Unis pour leur demander de ne plus accepter le moindre financement de l’industrie du tabac. Ni directement ni par le biais des institutions créées par elle. « D’abord, les fonds alloués aident les industriels à convaincre les responsables politiques et le public qu’ils ont des projets de recherche légitimes en cours, continuant à chercher des liens entre la consommation de tabac et la santé, sous-entendant ainsi que la question est toujours controversée » écrit James Todd. « Ensuite, l’industrie utilise ces fonds pour acheter le silence des universités et des chercheurs, pour s’associer à de prestigieuses institutions et s’offrir ainsi de la respectabilité. » Il explique également que l’objectif des marchands de cigarettes est incompatible avec les objectifs de santé publique puisque les premiers veulent, au final, vendre le plus de cigarettes possibles. Accepter les financements d’entreprises dont l’objectif est en irrémédiable contravention avec le vôtre est rarement une bonne idée.
Une telle réflexion n’a visiblement pas atteint nos plus grosses associations environnementales. Pourtant, les liens qu’elles ont créés avec les plus gros pollueurs de la planète s’apparentent totalement à des liens entre organismes aux objectifs totalement contradictoires. François Foucard précise : « Ce raisonnement simple, porté par James Todd en 1994, a été oublié. Car bien que l’objectif des marchands de produits phytosanitaires soit également, in fine, d’écouler le plus de pesticides possible dans l’environnement, il ne semble pas problématique de chercher à capter leur manne, ni pour la recherche ni même pour défendre la nature et la biodiversité ».
Si encore la nature en sortait gagnante. Mais ce fonctionnement ne marche pas. Le vivant ne cesse de s’appauvrir alors que les associations de protection de la nature n’ont jamais été aussi professionnelles. Ces organismes le disent eux-mêmes « nous sommes passés d’une action militante à une concertation raisonnée ». Cette phrase est extraite d’un compte rendu d’activité d’une association de protection de la nature départementale. Elle résume tout. Elle montre aussi l’échec de la protection de la nature. Pour stopper cette lutte constante con tre le vivant, pour que le monde ne devienne pas silencieux, il est urgent de changer de stratégies et le changement devrait commencer par mettre un terme à tous ces soit disant partenariats qui n’ont d’autres objectifs que de faire vivre les structures.
Le 31 décembre 2020
Pierre Grillet

Notes
1-Pour faire référence à son titre de « Champion de la terre » honteusement attribué par l’ONU à notre Président de la république !
2-Voir le film : « Poisoning Paradise » réalisé par Pierce et Keely Shaye Bosnan. 2017.
3-Par l’intermédiaire du « Conseil mondial des affaires pour le développement durable »
4-« Ferrero voulait rémunérer une association écologiste pour mieux se débarrasser d’un recours en justice » Novembre 2020. Manuel Sanson (Le Poulpe). Il s’agissait d’un projet de protocole d’accord portant sur le financement par Ferrero de mesures compensatoires en lien avec la destruction d’une espèce d’oiseaux protégée et le financement d’actions auprès d’une association de protection de la nature à condition que cette APN retire une plainte concernant une future implantation d’une usine Ferrero en Normandie…
5-« Et le monde devint silencieux. Comment l'agrochimie a détruit les insectes ». Stéphane Foucart. Editions Seuil. 2019.

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