"L'écologie au service de l'économie" ?
La forêt française ne cesse de s’étendre … Tout va très bien ?
Quand « l’écologie doit être mise au service de l’économie » (selon Renaud Muselier) ou le bois à notre service…
La forêt française ne cesse de s’étendre … Tout va très bien ?
La France est au quatrième rang des pays européens par sa superficie forestière, derrière la Suède, la Finlande et l’Espagne. Le site de l’ONF est précis: « La forêt française va bien et augmente même en superficie. Riche de 138 essences d’arbres différents, sa surface a doublé en l’espace de 200 ans ». Chaque année, la surface des forêts européennes gagne l’équivalent de l’île de Chypre. Et sur le site « Bois.com », « on plante, chaque année, 80 millions d'arbres. Et entre 1985 et 1995, la forêt française a progressé de 30 000 hectares par an ».
Ces constats sont largement utilisés pour dire que la forêt française se porte bien, et serait ainsi une ressource quasi inépuisable car très importante et renouvelable. Un élément « phare » de la transition énergétique pour une croissance verte… Que du bonheur !
La quantité mais pas la qualité…
Mais plus qu’une augmentation ou une diminution de surface, il est important de prendre en compte la qualité de ces boisements. Car la biodiversité dans une forêt cultivée avec une seule essence à croissance rapide et nettoyée systématiquement de tous ses rémanents, comparée à celle présente dans une forêt multi essences, avec des arbres aux âges diversifiés et de nombreux bois morts laissés au sol, y est très différente… Or, « près de la moitié de la forêt française est constituée de peuplements mono spécifiques (peuplements pour lesquels une essence représente plus des trois-quarts du couvert des arbres), soit 7,3 millions d’hectares. Les peuplements à deux essences représentent un tiers des peuplements, tandis que ceux à plus de deux essences en représentent – seulement - 16%. Les forêts du nord-est de la France sont les plus diversifiées. À l’opposé, le massif landais est un grand massif de peuplements mono spécifiques de pin maritime ».
Enfin, il est démontré que l’état sanitaire des arbres de nos forêts se dégrade constamment. Les activités humaines et leurs effets, à commencer par la pollution de l'air, semblent y contribuer fortement. Parmi les substances polluantes, le soufre, longtemps en première ligne, reste dominant en Europe centrale et orientale, mais perdrait de son importance dans l'ouest de l'Europe. Il se trouve maintenant dépassé par l'azote, dégagé par la circulation automobile, certaines industries ainsi que l'élevage industriel. L'azote sévit en Europe occidentale plus qu'ailleurs. « Une autre substance joue un rôle de plus en plus marquant dans la dégradation des arbres, surtout dans les régions méditerranéennes: l'ozone, qui est produit par d'autres polluants comme le dioxyde d'azote et les composés organiques volatils. L'origine de ce cocktail douteux se trouve dans la circulation des voitures et des camions, ainsi que dans diverses activités industrielles ».
Le renouveau du bois comme source d’énergie : bon ou mauvais ?
En France, la filière bois-énergie est en pleine expansion. Elle est présentée comme une énergie renouvelable et peu polluante… Donc comme un progrès et un élément phare de la transition énergétique. On la présente aussi comme une garantie du maintien, voire de l’expansion des boisements et haies…
Lorsque le CPIE (centre permanent d’initiatives pour l’environnement) de Coutières, localisé en plein bocage deux-sévrien, a été créé en 1988 sur le canton de Ménigoute, Hubert Dauté le Maire de la commune avait décidé d’installer une chaudière à base de copeaux de bois pour l’ensemble du bâtiment. Très innovant à ce moment-là (il y a 30 ans !). Pour cet ancien scieur et militant de la défense du bocage, il s’agissait alors de valoriser le bois, ressource renouvelable et locale et, par là même, de valoriser l’utilité des haies pour encourager leur maintien, voire de nouvelles plantations. Intention particulièrement positive à l’époque… Pendant plusieurs années, nous avons ainsi fortement milité pour l’installation de ces chaufferies à base de copeaux… Et celles-ci se sont considérablement développées au cours de ces 3 dernières décennies.
Une forte augmentation de la demande ces dernières années…
D’après le CRPF (centre régional de la propriété forestière), en Poitou-Charentes, on comptait, en 2013, 300 chaudières à bois, collectives ou industrielles, totalisant une puissance d’environ 200 Mégawatts. Entre 2009 et 2013, les installations nouvelles correspondaient à une augmentation annuelle du parc de 20 Mégawatts. Ceci représentait annuellement un besoin supplémentaire de 15 000 tonnes de bois. Pour le CRPF, cette augmentation était acceptable au regard de la ressource disponible localement. La vente des plaquettes forestières destinées aux chaudières collectives et industrielles a été multipliée par 10 entre 2007 et 2014 (source : ONF). Fin 2015, la puissance installée en Région des 2800 installations fonctionnant au bois déchiqueté était de 150 Mégawatts, ce qui représente une consommation d’environ 700 000 m3 de plaquettes par an. Ces installations sont réparties par moitié entre les chaufferies collectives (mairies, écoles, maisons de retraite …) et les chaufferies particulières (source CRPF Aquitaine).
De la filière bois énergie « d’origine bocagère »...
Aujourd’hui, tout un réseau de petites chaufferies communales s'est créé. Les élus souhaitent, pour la plupart de leurs nouveaux équipements, ce genre de chauffage. Il y a un tel engouement pour cette ressource, renforcé par l’attrait des subventions, qu’il convient d’être prudent pour ne pas provoquer l’exploitation quasi intensive de haies et boisements qui serait rendue nécessaire en raison d’une trop forte demande, voire même, au point de ne plus être capable localement de répondre à la demande. On le constate dès 2017, dans certains secteurs où la demande est trop forte, le bois vient de plus en plus loin… alors transporté sur des poids lourds très polluants !
... à la filière bois énergie « industrielle »
Le développement industriel de cette filière nous incite à nous poser de nombreuses questions. Selon les Amis de la Terre, « de 14 % aujourd’hui à 32 % en 2030 : la loi de Transition énergétique veut donner aux énergies renouvelables une part importante dans le mix énergétique français. La première d’entre elles est le bois, qui a fourni en 2012 dix millions de tonnes équivalent pétrole sur les 22,4 de production primaire d’énergie renouvelable en France – soit le double de l’hydraulique, qui devance elle-même de loin le vent et le soleil ». L'approvisionnement en bois des chaufferies collectives, industrielles et de la filière de trituration impacte obligatoirement la ressource forestière avec, à la clé, un conflit d'usage qui pourrait engendrer un véritable saccage environnemental et économique. Actu Environnement précise : « Au départ, ce sont les communes forestières qui ont initié le mouvement, profitant de leurs propres ressources locales. Ces chaufferies alimentent généralement quelques bâtiments publics : la mairie, l'école, le gymnase… Pour Michel Grambert, maire de la commune de Selonnet (04), "la nouvelle chaufferie au bois permet d'économiser presque 30% de la facture énergétique par rapport à notre ancienne chaufferie au fioul" et le cours du bois n'est pas aussi versatile que celui du pétrole… à condition qu'il y ait suffisamment de bois pour tout le monde ! »
« A condition qu'il y ait suffisamment de bois pour tout le monde ! » On se retrouve ainsi face à deux types de besoins : ceux qui concernent de petites installations, le plus souvent communales destinées à chauffer la mairie, l’école et la salle des fêtes, voire des maisons d’habitations privées… et ceux qui proviennent des usines qui peuvent absorber chaque année plus de 150 000 tonnes de bois sous forme de plaquettes.
Des projets démesurés et subventionnés au nom de la transition énergétique…
Depuis 2005, la Commission de régulation de l’énergie a mené plusieurs appels d’offre de projets de centrale de cogénération, valorisant simultanément le bois en chaleur et en électricité. En 2011, le dernier appel d’offre a retenu quinze projets pour un total de 420 mégawatts (MW), marquant un changement d’échelle de la filière bois énergie, désormais orientée vers de plus grandes unités de production. Surtout, il ouvrait alors la porte à des centrales électriques et à une consommation particulièrement intensive de bois…
L’incitation est d’autant plus forte qu’elle se réalise à grands renforts d’aides publiques, comme dans tous les domaines relevant de ce que l’on appelle« l’économie verte »…
Une grosse centrale biomasse comme celle de Pierrelatte qui produit de la chaleur et de l’électricité peut consommer jusqu’à 2500 fois plus qu’une petite commune qui veut chauffer ses bâtiments municipaux, soit 150 000 tonnes de bois par an. La demande est telle que de plus en plus de petits propriétaires forestiers acceptent volontiers qu’une entreprise fasse des coupes à blanc, ce qui leur procure un revenu immédiat sans doute intéressant, mais sans lendemain ou alors seulement à très, très long terme…. Et les responsables de l’usine ont beau jeu de faire croire qu’ils font respecter une « charte éthique » visant à interdire les coupes à blanc, tout en précisant qu’ils ne peuvent pas être derrière les entreprises exploitantes. Au royaume de l’hypocrisie…
La fuite en avant ne fait que commencer.
En région Provence Alpes Côte d’azur, en 2016, deux usines biomasse parées de soudaines vertus « écologiques » ont commencé à fonctionner : une usine à Brignolles qui aura besoin de 180 000 tonnes de bois par an, une autre à Gardanne avec un besoin de… 850 000 tonnes de bois par an et qui fonctionne actuellement avec une partie du bois provenant du… Brésil, mais dont l’objectif est bien de se fournir d’ici quelques années, uniquement en bois local. Or, compte-tenu de la ressource locale disponible, ce devrait être impossible. Laquelle des deux possibilités est la pire : approvisionnement à 100% local au risque de détruire une partie de la forêt ou approvisionnement à partir de pays très lointains ? Il faudra chaque jour environ 250 camions pour acheminer un bois prélevé dans un rayon de 400 km sans compter la dépense énergétique pour acheminer celui qui viendra d’autres continents. Dans de telles conditions le bilan carbone ne peut être excellent ; selon certaines études, l’industrialisation de la sylviculture, devenant une ligniculture, engendrée par l’accroissement démesuré des demandes, présente même désormais un bilan carbone négatif ! De plus, à proximité, une papeterie engloutit déjà 1 million de tonnes de bois par an. Rien que pour cette région et ces trois usines, plus de 2 millions de tonnes de bois seraient nécessaires chaque année ! De quoi aiguiser des appétits et laisser de côté les préoccupations liées à la biodiversité. Les capacités de production de bois énergie en PACA sont estimées au mieux à 700.000 tonnes/an ! (et c’est très probablement un maximum avec des conditions d’exploitation très certainement intensives). Mais Gardanne est une ancienne centrale à charbon, donc cette reconversion est considérée comme un « progrès » pour l’environnement. Cerise sur le gâteau, cette centrale a bénéficié d’une dérogation pour ne pas faire de cogénération, c’est-à-dire qu’elle ne produira que de l’électricité alors que la combustion du bois pour produire de l’électricité soufre d’un rendement énergétique particulièrement médiocre, de l’ordre de 30 %. « Pour dix arbres coupés, trois seulement serviront vraiment à faire de l’électricité. Le reste part sous forme de chaleur ». Le principe de cogénération visant à produire à la fois chaleur et électricité a justement pour but de valoriser au maximum le bois énergie. « Brûler du bois pour faire de l'électricité destinée au chauffage, c'est un désastre en termes d'utilisation de la ressource. » a même déclaré Pierre-Marie Abadie, alors directeur de l'énergie au ministère de l'écologie. Pour couronner le tout, Nicolas Hulot, encore Ministre à ce moment-là soutenait ce projet.
Avec quels impacts sur la ressource ?
Certains arguments utilisés le plus souvent par les initiateurs de projets importants, comme des réseaux de chauffage urbain à Orléans (centrale de cogénération) qui nécessitent 90 000 tonnes de bois, soit 900 000 m3, chaque année pour faire fonctionner la chaufferie au niveau d’un seul quartier de la ville (7500 logements) semblent imparables. Un responsable de cette usine répond à un journaliste : « Contrairement aux idées reçues, les quelque 90 000 tonnes de bois consommées annuellement ne font en aucun cas disparaître les forêts, mais au contraire contribuent à leur entretien et à leur extension. En effet, environ 80% de la ressource biomasse utilisée provient de plaquettes forestières (rémanents issus des exploitations, bois d’élagage, bois impropres pour l’industrie…), 7% des plaquettes de scierie, 6% de broyats issus de centres de tri, 5% d’écorces et 2% de l’entretien des espaces verts. Aucun arbre n’est donc abattu à cet effet. De plus, l’approvisionnement se limite à un secteur géographique d’un rayon de 60 km en moyenne, 100 km au maximum, offrant le double avantage de faire fonctionner les entreprises locales et de limiter les distances parcourues ».
Voilà qui est séduisant, mais qui appelle d’autres questions : l’utilisation de 72 000 tonnes de bois chaque année (et beaucoup plus car la ville envisageait à l’époque une autre chaudière biomasse pour un autre quartier) à partir uniquement de rémanents et bois dits « impropres » est-il si bénéfique pour la forêt et son renouvellement ? Alors que plus de 25 % de la biodiversité forestière dépend du bois mort resté en forêt, sous toutes ses formes : donc du maintien d’une quantité importante de rémanents, chablis etc...
Autre exemple, celui de la ville de Rennes qui dispose d’une chaudière « bois » pour le chauffage d’un seul quartier et consomme environ 120 000 tonnes de bois annuellement. Le bois prélevé est localisé dans un rayon de 100 km autour de l’agglomération (peut-être même 150 km). Selon des témoignages de forestiers, les conditions d’exploitation de cette ressource posent de gros problèmes environnementaux : « Les engins utilisés pour faire des coupes à blanc dans des parcelles en monoculture ne sont absolument pas adaptés pour intervenir dans des petits boisements. Les sols ont été saccagés, les systèmes racinaires des arbres restants ont subi des altérations dommageables sans compter les dégâts futurs inévitables en cas de coup de vent ».
Jean-François Ponge évoque également les impacts liés à la tendance à l’exploitation des arbres de plus en plus jeunes : « Le développement de la demande en bois-énergie renforce bien évidemment ce processus, en appelant à des rotations forestières de plus en plus courtes, jointes à la tentation de récolter l’arbre dans sa totalité (parties aériennes et racines), pour ne rien en perdre. On enlève ainsi au sol une plus grande quantité d’éléments (calcium, magnésium, azote, etc…) qui lui seraient autrement restitués par la décomposition, un appauvrissement des ressources dont on connaît les effets néfastes sur la biodiversité (Ponge, 2003). Le danger est donc grand, si on laisse s’implanter en région Bourgogne des usines de traitement du bois destinées à la fabrication de « granulats » (utilisables en lieu et place du fuel dans les chaudières domestiques), de voir la forêt morvandelle passée à la moulinette comme elle l’a été dans le passé pour la fabrication de charbon de bois (Buttoud, 1977) ».
Une forêt, pour se développer correctement, a besoin de ses propres produits (biomasse) constitués par le bois mort notamment. Ne risque-t-on pas alors de se retrouver avec des forêts entièrement nettoyées de tous déchets, très propres, mais qui deviendraient stériles et vides de toute vie ? Dire que l’utilisation quasi exclusive de « rémanents » permet d’entretenir la forêt est une affirmation fausse. Les quantités énormes nécessaires pour chauffer seulement quelques quartiers ne vont-elles pas inciter les forestiers à utiliser de plus en plus des essences à croissance rapide et encourager à nouveau les plantations monospécifiques catastrophiques pour le milieu ? Il est probable que cette incitation peut contribuer à la croissance de la forêt en France, mais pour quel type de forêt ? Car il y a et il y aura obligatoirement, nécessité de couper des arbres pour satisfaire à cette demande croissante. Comme pour d’autres ressources présentées comme « alternatives » ou « écologiques », nous sommes confrontés à des besoins quasi démesurés pour en garantir une utilisation correcte. Une fois encore, si la ressource peut paraître séduisante, les quantités nécessaires pour satisfaire notre besoin de croissance, tant que nous n’aurons pas remis en cause notre mode de vie, font craindre le pire. D’autant que le changement climatique entraîne déjà des dépérissements parfois à grande échelle (épicéas, voire chênes pédonculés) et va entraîner à terme des diminutions de productivité biologique, suite aux arrêts de la photosynthèse en périodes répétées de canicules et de sécheresse prolongée.
Le prélèvement croissant du bois énergie en milieu forestier et bocager exerce une très forte pression sur la biomasse. Une récente étude de l’AREC Poitou-Charentes révèle que les acteurs de la filière bois ont des craintes quant à l’approvisionnement futur en bois énergie. Craintes renforcées par les nombreux projets de grosses, voire très grosses chaufferies ou unités de cogénération produisant à la fois chaleur et électricité. Dans le nord du département des Deux-Sèvres, et en l’absence de très grosses infrastructures, le bois provient des Landes pour satisfaire la demande, soit a minima 700 km aller et retour compris….
Pas très bon signe pour l’avenir des forêts et de leur intérêt pour la diversité biologique. On peut craindre dans l’avenir une gestion très intensive de nos forêts avec des essences choisies pour leur croissance rapide (ce qui se fait déjà mais une demande sans cesse accrue en bois énergie pourrait inciter à changer d’échelle). Le tout au nom de la sacro-sainte « transition énergétique » toujours présentée comme la solution à nos problèmes… La FRAPNA Drôme a même lancé une enquête visant à recenser toutes les coupes à blanc faites dans ce département et qui pourraient être réalisées, au moins pour partie, pour fournir l’usine de Pierrelatte.
Alain Persuy, forestier et naturaliste, référent forêt dans plusieurs ONG régionales et nationales, avertit : « Dans le domaine de l’énergie, au prétexte de substituer aux énergies fossiles, responsables d’une partie de l’augmentation des gaz à effet de serre, le bois énergie, certains ne voient plus dans la forêt qu’une source de matière première : avec extraction des souches (comme en Aquitaine), coupes rases généralisées, suppression du bois mort, (récolte de tous les rémanents pour faire de la plaquette forestière…), etc. (Forêt : chimie verte). Au risque de détruire les équilibres biologiques, la fertilité des sols, et de faire peser sur la forêt une pression bien trop forte : les grosses unités de production de chaleur bois, exigeant des millions de mètres cubes, il y a des limites à ne pas franchir ». Et d’ajouter : « La forêt n’a pas besoin de l’homme pour se bien porter, c’est l’homme qui en a besoin pour, entre autres, se mieux porter ». Ce n’est pas à la forêt de s’adapter aux exigences de l’industrie, c’est à l’industrie de s’adapter aux possibilités biologiques de la forêt.
L’engouement pour des énergies dites « renouvelables » doit obligatoirement s’accompagner d’une remise en cause de notre développement, donc de notre consommation ou alors nous ne résoudrons jamais les problèmes. Pourtant, c’est l’inverse qui est réalisé : consommons toujours autant et même de plus en plus et sans états d’âme, car l’énergie est devenue « verte et renouvelable »!
Quand monsieur Muselier dicte leur conduite aux parcs et associations…
Suite à une plainte déposée par les parcs naturels régionaux du Lubéron et du Verdon ainsi que par l’association France Nature Environnement, le tribunal administratif de Marseille avait ordonné l’annulation de l'autorisation d'exploitation de l'installation de Gardanne (juin 2017). Bien entendu, cette décision a suscité une grosse colère de la part de certains élus locaux qui ont tout de suite mis sur le devant de la scène les emplois crées par cette usine… L’usine n’a jamais fermé contrairement à la décision judiciaire et le porteur de projet, Uniper, a fait appel, de même que le Ministre de la transition énergétique de l’époque, Nicolas Hulot. Aussitôt, le Conseil régional n’a pas hésité à exercer un véritable chantage auprès des structures ayant porté plainte et celui-ci s’est avéré très efficace …
« Actu Environnement » du 6 octobre 2017 reprend un article publié dans « Reporterre » le 4 octobre : « Les parcs naturels du Luberon et du Verdon acceptent la centrale à biomasse de Gardanne à laquelle ils s'étaient opposés. Renonçant à leur plainte déposée en 2015. Quant à FNE, elle réfléchit à sa position. La raison ? Parcs et association étaient menacés de se voir privés de subventions ». On voit bien au passage, les limites rencontrées par les parcs naturels régionaux dans leurs actions. Renaud Muselier, président (LR) de la région Paca, n’hésite pas à dire : « Il va de soi que nous ne pourrions pas continuer à accompagner des structures qui prendraient une position contraire à celle de la Région sur un projet d'une telle importance pour notre avenir collectif. Il est temps que chacun se ressaisisse et comprenne que l'écologie n'est ni une doctrine ni une idéologie, mais doit être mise au service de l'économie pour faire de la croissance verte un atout et faire gagner la France. » Tout est dit, et on ne se cache même plus pour exercer un chantage incroyable et parfaitement scandaleux. Nous sommes en 2020 et l’objectif de certains élus est encore de « faire gagner la France » en se moquant royalement des impacts environnementaux, on se croirait dans un match de foot. Régression ou progrès ? L’écologie (tout comme les humains) devrait être au service de l’économie toute puissante ? (on aurait pu croire que l’inverse aurait été plus responsable…). France Nature Environnement avait qualifié ce projet d’insensé. L’été 2017 aura été très « tendu » entre le Conseil Régional et FNE. Après une rencontre destinée à envisager l’avenir, le conseil d’administration de FNE Paca a finalement décidé en novembre 2017 de ne plus s’associer au recours juridique (à l’exception de deux sections départementales de FNE : les Bouches du Rhône et les Alpes de Haute-Provence). On peut penser que la décision ne fut pas facile à prendre. Car se retirer d’un recours suite à un chantage signifie, pour le public, une défaite associative quels que soient les arguments de FNE...
Comme il est possible en politique de dire et faire tout et le contraire, Monsieur Renaud Muselier a affirmé sans sourcilier son soutien (lors d’un message vidéo) au Congrès français de la nature 2019 qui réunissait 300 représentants des organisations, experts et partenaires du Comité français de l’UICN à Marseille pour préparer le Congrès mondial de la nature de l’UICN 2020.
Des questions sur les stratégies associatives…
Il est vrai que FNE craignait pour le maintien d’une dizaine d’emplois au sein de sa structure et, par conséquence, une éventuelle perte d’efficacité dans le suivi de nombreux dossiers en cas d’obligation de licenciements. Nous sommes ici en plein débat sur le rôle des associations devenues des PME et leur efficacité. Car si FNE décidait finalement de se passer de l’argent de la Région ? Ce serait une décision courageuse mais elle devrait alors se tourner vers plus de financements privés. Ne tomberait-elle pas ainsi sous la coupe de ces nouveaux financeurs ?… Décidément, il semble bien que la professionnalisation des associations soit aussi dans une impasse, qui réside essentiellement sur l’incapacité de plus en plus flagrante de s’opposer frontalement à un projet alors que celui-ci serait néfaste pour la nature et les humains.
Pierre Grillet
Tous nos remerciements à Alain Persuy pour sa relecture attentive…
Bibliographie
A.C Rameau , Nos forêts en danger, éditions Atlande Paris, 2017
Gaspard D’Allens, Main basse sur nos forêts, Seuil /Reporterre, 2019