Le forçage génétique...

Le forçage génétique pour parvenir au bio contrôle génétique afin d’éliminer des espèces indésirables... Est-ce vraiment cela la protection de la nature ?

Alors que les organismes de protection de la nature se noient dans une gestion de la biodiversité qui n’apporte aucun résultat positif sur l’érosion constante du vivant, l’utilisation des techniques les plus innovantes et sophistiquées est sérieusement envisagée par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) comme par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources) pour gérer aussi bien le vivant que le climat. Ou comment s’en remettre à des techniques hasardeuses sans remettre en cause notre développement !

Géo ingénierie et forçage génétique : une vision « biotech » de la protection de la nature qui devrait nous alarmer. Ou les dérives d’une protection de la nature bien intégrée dans un système destructeur !

Même si les alertes n’ont cessé depuis plus de 70 ans, voire beaucoup plus (à l’instar des écrits de Jean-Baptiste de Lamarck dès 1820…) notre époque serait, enfin, celle de la prise de conscience de notre puissance sur la nature ! Nous serions ainsi dans l’anthropocène. Puissance destructrice mais aussi toute puissance pour imaginer des « solutions ». Et si possible des solutions qui, en aucun cas, ne remettent en cause ni notre suprématie, ni notre conception du développement !

Ainsi, le changement climatique pourrait être combattu non pas par une remise en cause de nos modes de vie occidentaux, mais par la géo ingénierie (ou « Climate Intervention »). Portée scientifiquement par Paul Joseph Crutzen, cette discipline prétend résoudre les changements climatiques par l’application de techniques innovantes confortant ainsi cette suprématie humaine sur la nature. Les solutions étudiées dans ce cadre se concentrent sur deux grands domaines d'action que l’on peut résumer ainsi : la création d’un grand bouclier pour limiter l’arrivée des rayonnements solaires et l’emploi de méthodes diverses comme l’ajout de chaux dans les océans pour favoriser l’absorption de CO2 ! Des techniques d’apprenti sorciers portées financièrement par plusieurs milliardaires bien connus dont Bill Gates et Jeff Bezos avec sa très chic « Fondation Jeff Bezos pour la Terre » ainsi que par les militaires, très intéressés par tout ce qui concerne les manipulations du climat et plusieurs États. Le Congrès américain, sous Donald Trump, y a participé activement. Le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) intègre certaines techniques de la géo ingénierie (notamment les techniques d’élimination du dioxyde de carbone) dans ses rapports ! Après la gestion de la biodiversité aujourd’hui intégrée par l’ensemble des organismes de protection de la nature avec toute les dérives que l’on connait, voici bientôt la gestion du climat, gestion « high thech » qui sent « bon » l’innovation et le génie humain.

Mais d’autres procédés tout aussi hasardeux pour protéger la nature sont très en vue actuellement et risquent d’être portés également (malheureusement) par de puissants organismes de protection. Connaissez-vous la biologie de synthèse et l’une de ses applications : le forçage génétique ?
Le forçage génétique est une technique qui vise à la création d’organismes génétiquement modifiés capables de se reproduire comme tels et d’interagir avec le monde sauvage et qui, selon un rapport très controversé demandé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses ressources (UICN), pourrait rendre de grands services pour la conservation !

Des exemples ? Aux Etats-Unis, des travaux sont en cours pour modifier un gène de la grenouille léopard, afin de la rendre résistante au champignon Batrachochytrium dendrobatidis, qui atteint les amphibiens à travers le monde ! En Nouvelle-Zélande, le forçage génétique est l’une des stratégies pour éliminer les espèces invasives dans le cadre du plan Predator Free 2050. Objectif: débarrasser le pays des rats noirs et des opossums, introduits au 19ème siècle par les colons européens et qui ravagent la faune autochtone. A Hawaii, un autre projet est en cours pour éliminer le moustique Culex quinquefasciatus, vecteur du paludisme aviaire (sources extraites du Journal de l’Environnement. Mai 2020, Romain Loury). La modification génétique est définitive, rendant impossible tout retour en arrière. Et nul n’en connait les conséquences à terme.

Pourtant, l’UICN a demandé un rapport intitulé « Frontières génétiques pour la conservation ». publié en 2019 et qui devrait faire l’objet de discussions lors de son prochain congrès mondial à Marseille en septembre. En attendant, ce rapport est tout de même largement diffusé et publié sous l’en tête de l’UICN (disponible sur internet). Il s’agit d’une évaluation de la biologie de synthèse et de la conservation de la biodiversité rédigée par Kent H. Redford, Thomas M. Brooks, Nicholas B.W. Macfarlane, Jonathan S. Adams. Sa lecture fait froid dans le dos ! Un rapport qui aura réuni parmi ses contributeurs une majorité de personnes en situation de conflit d’intérêts selon « ETC groupe » (surveillance du pouvoir, veille des technologies, renforcement de la démocratie). Bravo l’UICN ! Même si on peut espérer que l’UICN n’adoptera pas ce rapport lors de son prochain congrès vu toutes les réactions hostiles déclenchées grâce aux lanceurs d’alertes canadiens (ETC groupe), il est malheureux de constater que cet organisme n’a pas hésité à le commander et le signer au mépris de toutes les règles déontologiques en raison des nombreux conflits d’intérêts de la part de ses contributeurs, conflits non déclarés par l’UICN !

Ce groupe de travail de l’UICN conclue son rapport en affirmant que « la biologie synthétique et la transmission génétique ont des implications importantes pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique tant directe qu’indirecte » et que « certaines applications de la biologie synthétique et de la génétique, si elles sont bien conçues et bien ciblées, pourraient améliorer la conservation de la biodiversité, par exemple en réduisant les menaces et en augmentant la résistance des espèces à ces menaces (spéculatif) ».
Et je passe les petites phrases du rapport insinuant que les jeunes générations qui auront baigné dans les bios technologies accepteront beaucoup mieux leur utilisation que les plus âgées, réfractaires par principe ou par ignorance.

Nous avons au moins deux conceptions totalement différentes de la protection de la nature. L’une qui n’empêche nullement les destructions car elle ne veut rien changer tout en laissant croire le contraire en se targuant de protéger la nature avec le concours des pires destructeurs et l’aide des meilleurs experts et bio technocrates. Une conception tellement technicienne qu’elle n’hésite pas à jouer à l’apprenti sorcier en n’étant pas très éloignée de ces fameuses biotechnologies avec la biologie de synthèse et le forçage génétique porté entre autres par… Bill Gates (encore lui !).
Définitivement, je préfère l’autre conception qui voudrait au contraire rétablir ou renforcer les liens entre nous-mêmes et le reste du vivant pour une cohabitation de l’ensemble de la communauté biotique (référence à Aldo Leopold). Nous n’avons pas besoin de biologie de synthèse, de forçage génétique ou des multinationales pour y parvenir. Mais ceci passe, pour nos sociétés, par de vrais changements profonds et rapides.
Tout le contraire d’une transition qui sera d’autant plus lente que les multinationales, les banques, les principales associations, ainsi que les chefs d’État pour la plupart élus grâce à de puissants moyens financiers, membres ou initiateurs du fameux « One Planet Summit » et partenaires de l’UICN, n’ont aucune envie de modifier le système dominant dont ils profitent largement. Tout au plus, acceptent-ils de le verdir légèrement afin de continuer leurs affaires comme d’habitude « business as usual ».
Pierre Grillet, le 9 février 2021

Retour