Le Pangolin et le Coronavirus

Quand les pangolins se font massacrer …
Si l’origine exacte des animaux ayant transmis le virus aux humains fait encore l’objet de discussions, il serait communément admis qu’il  viendrait d’un petit animal qu’une grande partie du monde découvre aujourd’hui : le pangolin… Une autre hypothèse évoquerait une transmission par l’intermédiaire des chauves-souris.
Le pangolin, c’est un mammifère terrestre au corps recouvert d’écailles et grand mangeur de fourmis… On le rencontre en Asie et en Afrique. Toutes les espèces de pangolins sont menacées de disparition selon les critères retenus par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Et en Asie, tout particulièrement, où le pangolin de Chine et le pangolin javanais sont en « En danger critique d’extinction ». Le grand pangolin de l’Inde et le pangolin des Philippines, eux, sont « En danger ».
En Afrique, toutes les espèces sont classées comme étant « Vulnérables » : le pangolin commun ou tricuspide, le pangolin tétradactyle, le grand pangolin et le Pangolin terrestre du Cap, l’espèce de pangolins africains la plus étendue.
Un constat peu flatteur pour l’espèce humaine lorsqu’on sait que ces animaux sont pourchassés et massacrés par des braconniers qui en tirent de gros profits : les Chinois raffolent de sa chair et ses écailles ont la réputation d’avoir des propriétés médicinales et des vertus aphrodisiaques.
Pour Claude-Marie Vadrot : « Il fait depuis des années l’objet d’un commerce international illégal interdit que les spécialistes douaniers de nombreux pays tentent d’enrayer. En vain puisque l’association TRAFFIC, créée en 1976 en Suisse par le WWF et travaillant souvent avec Interpol, explique qu'au cours des vingt dernières années près d’un million de ces animaux ont été vendus en Asie du Sud-est, essentiellement sur le territoire chinois. Un chiffre qui se base sur les saisies opérées dans les aéroports de Malaisie, de Singapour et du Vietnam. Depuis les années 70, les naturalistes estiment qu’au moins deux millions de pangolins, toutes espèces confondues ont été éliminés. Ce commerce représente chaque année une vingtaine de milliards d’euros. »

La revanche du pangolin.
Un jeune pangolin, à l’abri dans son terrier, se désespérait du sort réservé à l’ensemble de ses congénères. Son seul moyen de défense, s’enrouler, étant bien dérisoire par rapport aux méthodes utilisées par les braconniers. Il se voyait disparaître dans l’indifférence quasi généralisée (qui se souciait du pangolin il y a encore deux mois ?), en dépit de quelques biologistes qui tentaient eux-aussi désespérément de sonner l’alarme.
Un jour, notre pangolin a, on ne sait par quel miracle, croisé la route d’une mésange bleue… Une parente de la mésange bleue d’Alessandro Pignocchi, une mésange rebelle, révolutionnaire, prête à commettre beaucoup d’actions pour que les humains changent enfin d’attitude vis-à-vis de ces êtres toujours considérés comme des inférieurs, voire des objets.

A cette mésange donc, qui n’a pas supporté le récit du pangolin sur les massacres dont son espèce est l’objet, une idée lumineuse est venue, dont elle fit aussitôt part au pangolin devenu son ami.
Parmi les moyens à disposition pour générer de grands désordres et faire comprendre l’irresponsabilité humaine, pourquoi ne pas leur transmettre un joli virus, inattendu, et pour lequel les traitements sont encore très partiels ? De plus, dans la plupart des pays occidentaux, les services publics, et parmi eux les hôpitaux, bien utiles en cas de crise sanitaire, sont de moins en moins considérés, voient leurs crédits diminuer et sont ainsi de moins en moins capables de faire face à l’inattendu. Vu la quantité de viande de pangolin ingurgitée chaque année, par les chinois notamment, ce ne devrait pas être trop difficile. Les échanges internationaux se chargeront de le transmettre à l’échelle de la planète. Le pangolin remercia vivement la mésange pour cette brillante idée. L’histoire ne dit pas comment il s’y prit pour y parvenir.

Le succès dépassa ses espérances : en quelques jours, le pangolin était devenu l’animal le plus célèbre dans le monde, presque chaque humain étant cette fois informé, non seulement de l’existence de cet animal, mais également des massacres dont il était l’objet. Le virus provoqua un tel chamboulement chez les humains qu’un désordre indescriptible se produisit un peu partout dans le monde. Les routes devenaient désertes, le ciel n’était plus encombré d’avions, même les braconniers ne pouvaient plus se déplacer pour leurs macabres projets. Les nombreux morts affolaient les populations. Certes, le pangolin n’était pas fâché d’une telle situation mais il ne souhaitait pas non plus la disparition complète de l’espèce humaine, ayant compris que parmi ces humains, certains, certes peu nombreux, n’étaient pas obligatoirement des ennemis. Il voulait juste leur donner une bonne leçon. Leur faire comprendre qu’il fallait arrêter cette domination que l’humanité impose au reste du vivant mais également à d’autres humains.

De retour en France, la mésange bleue n’en croyait pas ses yeux : de mémoire de mésange révolutionnaire, on n’avait jamais vu ça. Les humains étaient devenus quasi invisibles, confinés qu'ils étaient dans leurs maisons. Il y avait de l’espace, de la place pour les autres, qui pouvaient se déplacer sans crainte de se faire écraser par une voiture ou de se faire empoisonner suite à un traitement, un autre monde surgissait.  Restait à savoir pour combien de temps, et surtout, qu’adviendrait-t-il une fois le virus passé ? les humains survivants auraient-ils enfin compris ? Ou bien recommenceraient-ils les mêmes erreurs ?

Pierre Grillet

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