Parc naturel régional de Gâtine

Un parc naturel régional, pour quoi faire ?

Le projet de parc naturel régional en Gâtine suit son cours et semble sur de bons rails… Mais au fait, c’est quoi un parc régional ? Et surtout, est-ce l’outil qui permettra de sauver les bocages et leurs composantes ainsi que le maintien de ses habitants et paysans ?

Après la loi sur les parcs nationaux en 1960, c’est en 1967 que les parcs naturels régionaux ont été créés en France. En 2020, on dénombre 54 parcs naturels régionaux en France et plus d'une vingtaine de projets de parcs mis sur les rails par les Régions (la moitié en étude de faisabilité, l'autre moitié en projet).

Un parc naturel régional, c’est quoi ?
Il s’agissait de trouver une formule qui permette à des territoires habités et pourvus d’un patrimoine naturel de qualité, de mieux être valorisés : « des territoires ruraux habités, reconnus au niveau national pour leur forte valeur patrimoniale et paysagère. Les parcs naturels régionaux doivent partir d’initiatives locales et baser leurs projets de territoire sur une charte qui exprime les engagements des collectivités concernées et des acteurs ».

Comment y parvenir ?
Le site de la fédération des parcs naturels régionaux de France présente ainsi la procédure globale : « Le classement en Parc naturel régional ne se justifie que pour des territoires dont l’intérêt patrimonial est remarquable pour la région et qui comportent suffisamment d’éléments reconnus au niveau national et/ou international. C'est souvent à l'initiative locale des acteurs de terrain que naît l'idée d'un Parc. Des associations, des élus, des habitants se concertent pour préserver les atouts de leur territoire et lui donner un nouvel élan. La Région concernée décide alors de donner suite à l'idée ou non, définit le périmètre d'étude du parc et engage le travail d'élaboration du projet de territoire qu'est la charte ».

Les critères de classement reposent sur :
        La qualité et le caractère du patrimoine,
        La qualité du projet
        La capacité de l’organisme de gestion à conduire le projet

Dans les Parcs naturels régionaux, on entend par patrimoine l’ensemble des caractéristiques et spécificités de ce territoire.
« On peut ainsi parler de patrimoine naturel (espèces, habitats, milieux, sites d’intérêt naturel), de patrimoine paysager (grands sites et ensembles paysagers), de patrimoine humain (ensemble des forces vives et des savoir-faire disponibles), de patrimoine bâti (religieux, militaire, vernaculaire, …), de patrimoine culturel ou religieux (traditions, fêtes, parlers locaux, …) ».
Un Parc naturel régional est classé par décret du Premier ministre.

La Charte
La charte d'un Parc naturel régional est le contrat qui concrétise le projet de protection et de développement élaboré pour son territoire. Elle fixe les objectifs à atteindre, les orientations de protection, de mise en valeur et de développement du Parc, ainsi que les mesures qui lui permettent de les mettre en œuvre.
Elle permet d'assurer la cohérence et la coordination des actions menées sur le territoire du Parc par les diverses collectivités publiques. Elle a une validité de 15 ans. Une procédure de révision de la charte permet, au vu de l'action du Parc, de redéfinir son nouveau projet et de reconduire son classement.

Un réseau important
Le réseau des parcs régionaux regroupe plus de 400 communes, 4 millions d’habitants et 9,3 millions d’ha, soit 15% du territoire national.

Un parc naturel régional entraîne-t-il des réglementations particulières ?
Les communes signataires volontaires de la charte doivent, en principe, en respecter les termes. Mais la transformation en parc régional n’implique aucune mesure particulière de protection (faune, flore, site, aménagement…) autre que celles déjà prévues dans le cadre législatif français et sur des territoires non protégés. Néanmoins, les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou tout document d'urbanisme ainsi que les cartes communales doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte du parc. La structure « parc naturel régional » peut non seulement faciliter des actions de protection auprès des communes mais aussi permettre la mise en place d’une démarche de préservation concertée du bocage qui associe l’ensemble des acteurs, en particulier ceux du monde agricole (tout ceci restant volontaire). Mais elle n’a aucun pouvoir réglementaire sur la politique agricole, ni sur la FNSEA…

Une formule très souple mais une ambition de départ forte…
Les parcs régionaux, dans leur principe, doivent permettre de démontrer que des initiatives humaines visant à mieux vivre sur un territoire ne sont pas obligatoirement incompatibles avec la présence d’une nature encore importante et que certaines de ces initiatives peuvent même contribuer à renforcer cette nature. Tout ceci ne peut être que positif pour une cohabitation « humains – non humains » intelligente.

A condition de « jouer le jeu » : mais quel jeu ?
La souplesse d’un tel dispositif peut aussi entraîner des dérives : la référence constante (de la part de la fédération des parcs notamment) au développent durable peut inquiéter… Le site de la fédération des parcs régionaux s’affiche très clairement : « Au cœur du développement durable », ce fameux concept qui a pris naissance au cours de la décennie 80 et qui se révèle aujourd’hui le plus bel oxymore inventé au cours de ces dernières décennies !

Que se passe-t-il lorsqu’un parc ne respecte pas sa charte ?
Rien ou presque !
Pourtant, en ex Poitou-Charentes, nous avons le triste privilège de l’unique retrait de label au cours de ces 50 dernières années ! Un seul retrait de label en un demi-siècle : soit tous (ou presque tous) les parcs naturels régionaux sont scrupuleux en matière de respect de leur charte, soit le label lui-même fait preuve d’un certain laxisme, tant que les vrais enjeux n’apparaissent pas comme une évidence aux yeux du grand public…

Un exemple local douloureux mais le seul exemple national : le parc naturel régional du Marais poitevin
Le Parc naturel régional du Marais poitevin avait été créé dès 1979. Mais il fut déclassé au 31 décembre 1996 en raison de l'échec de sa mission de préservation de l'environnement d'une grande zone humide (pour cause de disparition des prairies humides au profit de pratiques agricoles intensives céréalières). Il a retrouvé son label en 2014.
Il s'agit du seul cas de déclassement d'un parc naturel régional depuis la création de ces structures.
Faut-il penser que ce parc aurait été le seul à se détourner des principes de sa charte initiale ? Probablement, non. On peut estimer que son inaction et ses contradictions étaient devenues beaucoup trop visibles (le retrait aurait été mérité bien avant 1996…) vu l’étendue des territoires concernés et leurs enjeux. Il devenait ainsi de plus en plus compliqué de « fermer les yeux » au risque de discréditer totalement l’ensemble du label. Cet unique exemple montre bien les limites d’un tel outil. D’ailleurs, les contradictions entre agriculture industrielle et protection du patrimoine naturel existent encore en 2020 dans ce territoire et on peut légitimement se demander de quelles manières le parc régional retrouvé pourra faire avec !

Y a-t-il des parcs naturels régionaux dont le paysage bocager est un élément important ?
Ils sont nombreux à être concernés par ces milieux dominés par une agriculture encore diversifiée à base de polyculture-élevage. Parmi eux, le parc naturel régional de l’Avesnois (dont la charte prévoit d’atteindre 30% de surface agricole utile – SAU en agriculture biologique en 2022), et celui des Ardennes dans le nord et le nord-est de la France possèdent un territoire bocager encore très important. Le parc naturel régional d’Armorique est également concerné, de même que le tout premier parc régional, celui de Scarpe-Escaut, le parc régional Normandie-Maine, ceux du Perche, de la Brenne, du Morvan, du Périgord-Limousin et certainement beaucoup d’autres…

Ces parcs régionaux sont-ils efficaces dans le maintien des bocages ?
Une enquête approfondie mériterait d’être menée pour connaître avec précisions quelles ont été les évolutions bocagères dans les parcs régionaux. A défaut, prenons le cas du parc naturel régional de la Brenne crée depuis le 22 décembre 1989. D’après l’association Indre Nature, la diminution globale du réseau bocager (linéaire de haies) pour la totalité du département de l’Indre était estimée à 30,5% entre 1950 et 2010. Et on n’a constaté aucun changement dans cette tendance à la baisse entre 1980 et 2010 avec, bien entendu, d’importantes variantes selon les sites. Elle est estimée à 51,8% en Boischaut Nord réalisée pour l’essentiel entre 1950 et 1999 et 41% en Boischaut Sud entre 1950 et 2010, dont plus de la moitié entre 1999 et 2010. Le Boischaut Nord et le Boischaut Sud font partie du parc naturel régional et sont deux régions bocagères. Le constat dressé pour le Boischaut Sud qui a vu 22% de son réseau bocager régresser alors que le parc naturel régional était en pleine activité, n’est pas très encourageant. Ce travail démontre également une régression continue en Brenne entre 1950 et 2010 mais avec une tendance qui s’est accrue entre 2000 et 2010.
Ces constats ne signifient pas que le parc régional ne fait rien pour les bocages, ce serait faire injure aux personnes motivées (certains techniciens et élus) qui animent ce parc. De nombreux parcs à l’intérieur desquels l’agriculture occupe une place importante développent différentes actions sous forme d’incitations (aides pour encourager les circuits courts par exemple). Mais ils prouvent que existence du label n’est pas un gage de pérennité pour ces milieux fortement influencés par les orientations agricoles qui dépassent largement les domaines d’action d’un parc régional. D’autre part, cette régression du linéaire de haies, à l’instar de la Brenne, peut aussi être causée par un phénomène inverse à l’industrialisation agricole, c’est-à-dire une forte déprise agricole qui se traduit cette fois par une tendance à l’enfrichement et au boisement. Mais dans ce dernier cas (la déprise), la nature n’y est pas perdante puisqu’elle reprend ses droits…

Des exemples concrets des limites de l’action des parcs régionaux
Les cas des PNR du Morvan, du Lubéron, du Verdon… et de leurs forêts !
Nous reprenons pour partie un article publié par Reporterre le 17 septembre 2019 : « Le parc naturel régional du Morvan se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Cet établissement public qui a pour mission première « la protection de l’environnement » souhaite réguler les coupes rases qui sévissent dans ses forêts. Mais la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté s’y oppose. Elle menace même de lui retirer son label et les subventions qui vont avec. Pour garder son étiquette « parc naturel », l’organisme devra donc cautionner des pratiques industrielles qui dégradent les écosystèmes …». On voit bien au travers de ce cas, que les outils disponibles dans le cadre d’un PNR ont des limites qui ne permettent pas une réelle protection. Ces limites sont liées à la sacro-sainte « propriété privée ». Impossible d’avoir le moindre poids sur la manière dont sont gérées les forêts privées ! Si lors de leur création, les PNR obtiennent en général un assez large consensus localement, c’est sans doute, au moins pour partie, en raison de leur très faible pouvoir en matière de protection des paysages et plus globalement du patrimoine.

Les PNR du Lubéron et du Verdon s’étaient opposés au projet gigantesque de la centrale thermique de Gardanne. Cette ancienne centrale à charbon reconvertie dans la production de chaleur à partir de la biomasse a des besoins énormes en bois. Alors que le potentiel régional en bois est estimé à 700 000 tonnes dans un rayon de 400 km autour de l’usine, les besoins seront nettement supérieurs et évalués à plus de 800 000 tonnes annuellement ! Et dans le même département, d’autres sites ont aussi des besoins importants comme cette papeterie à Tarascon qui engloutit déjà 1 million de tonnes de bois par an… Les deux parcs régionaux directement concernés par ces futures exploitations avaient porté plainte et obtenu la fermeture de l’usine de Gardanne, avec l’appui de FNE. Mais le Président de la région, Monsieur Muselier, a exercé son chantage à la subvention et les plaintes ont été retirées ! Et l’usine n’a pas fermé.

Et les étangs de la Brenne au cœur du PNR…
Nous pourrions également reprendre l’exemple du PNR de la Brenne dont l’essentiel est tout de même ce paysage fabuleux d’innombrables étangs… Ces étangs (dont la plupart sont privés) sont de plus en plus transformés pour l’aquaculture intensive quasi industrielle qui se pratique au détriment de la biodiversité. Le PNR n’a pas réussi à enrayer ce processus délétère.

Y a-t-il beaucoup de parcs naturels régionaux en Nouvelle Aquitaine ?
La Nouvelle-Aquitaine compte actuellement 5 PNR : le PNR Marais-Poitevin, le PNR de Millevaches en Limousin, le PNR Périgord-Limousin, le PNR Landes de Gascogne et le tout dernier créé en 2019, le Médoc.
Les projets en cours concernent la Montagne Basque et la Gâtine poitevine.

Alors, un parc naturel régional en Gâtine : une bonne ou une mauvaise idée ?
Une très bonne idée probablement, mais à condition de ne pas trop en attendre…Très bonne idée, car le processus de mise en place d’un tel projet ne peut qu’être positif au départ : il met l’accent sur le territoire concerné, il permet de parler dans les médias des atouts environnementaux de la Gâtine et de l’importance des bocages, autant d’un point de vue naturaliste que d’un point de vue paysan. Il valorise certains projets de paysans. Il encourage les discussions, échanges et réflexions. Il permet d’aborder cette question si importante de notre relation avec les non humains. Rien que pour ces aspects, l’élaboration d’un tel projet, qu’il aboutisse ou non, ne peut être que positif.
Mais imaginons que le projet aboutisse, ce qui semble très réaliste. La reconnaissance de notre territoire bocager comme un élément important au niveau national devrait permettre une meilleure prise en compte environnementale locale tant par des communes que par des particuliers qui pourraient alors se sentir un peu plus responsables du devenir des paysages notamment. Il devrait être possible également d’expérimenter certaines actions et de développer des projets locaux dans le domaine de l’agriculture avec quelques moyens supplémentaires. Des projets en lien étroit avec les CIVAM par exemple pourraient se développer à travers les bocages comme cela se fait dans certains parcs. Là encore, des perspectives très favorables. Les communes souhaitant mener des actions pour protéger le bocage pourront trouver des appuis auprès de la structure « parc ».
Il ne faut pas se faire d’illusions non plus : un agriculteur industriel qui récupère des terres laissées libres, suite à un départ à la retraite, aura toujours la possibilité d’arracher les haies pour agrandir les parcelles. Le parc naturel régional n’apportera aucune réglementation particulière dans ce domaine et de toutes manières la FNSEA ne supporterait pas des contraintes supplémentaires. Le parc naturel régional ne changera pas à lui seul le paradigme dominant de l’agriculture industrielle qui incite à la destruction des bocages considérés, à tort, comme des paysages du passé.
Il ne s’agit pas de conserver les bocages comme des témoins d’un quelconque passé, donc comme quelque chose voué à disparaître, mais bien de démontrer que les bocages sont aussi et surtout des paysages d’avenir ! Là encore, il est nécessaire de bien définir ce que l’on entend par bocage : un territoire conçu et entretenu par des paysans pratiquant une agriculture diversifiée la polyculture – élevage, sur des surfaces et avec un nombre d’animaux raisonnables, des animaux qui mangent dans les prairies, une diversité de milieux : prairies permanentes, artificielles, cultures, haies, zones humides, mares, étangs, chemins, boisements…

Alors, oui à un parc naturel régional en Gâtine.
Mais sans doute, faut-il le voir comme un futur outil supplémentaire pour le territoire et certainement pas comme la solution !
Le devenir des bocages est étroitement lié au devenir des pratiques agricoles. Protéger le paysage sans se soucier de ce qui permet son entretien et sa pérennité (les pratiques agricoles) serait voué à l’échec. Un bocage peut-être abandonné en raison d’une déprise agricole. Dans ce cas, son évolution passe par des friches, des landes, pour tendre vers la forêt. On retrouve ce phénomène, notamment dans des fonds de vallée encaissée et/ou des coteaux pentus. La biodiversité n’y est pas obligatoirement perdante, elle change tout simplement.
En revanche, l’évolution principale des bocages dans la plupart des régions françaises les fait régresser le plus souvent vers des paysages beaucoup plus ouverts, avec des parcelles agricoles d’un seul tenant de plus de 40 ha (constaté en Deux-Sèvres), traitées de manière industrielle et de plus en plus sous couvert d’une soi-disant « agro-écologie » parrainée par les plus grosses coopératives agricoles (cf. notre article sur le sens des mots…).
Espérons que la dynamique engendrée par ce projet de parc régional permettra une réelle prise en compte de ces espaces, véritables lieux de vie pour l’homme et ses propres besoins, mais également pour l’ensemble du vivant (ou du moins une bonne partie). Et surtout, il conviendra de rester vigilant une fois le parc créé. Pour que l’obtention du label ne soit pas uniquement un affichage et pour que ce futur PNR remplisse son véritable rôle. Mais il faudra alors une volonté et une mobilisation massive de ses habitants pour y parvenir.

Un beau défi pour l’avenir
Les PNR tels qu’ils ont été conçus nous permettent sans doute d’entrevoir la manière dont nous pourrions cohabiter avec les non humains… Des espaces partagés qui devraient permettre aux êtres de vivre sans domination. A ce titre, les paysages bocagers sont sans doute un véritable symbole pour un tel partage. Mais nous faisons face à un problème majeur : la place de l’économie est encore beaucoup trop forte y compris au sein de ces PNR. Tant que les humains et l’écologie devront être au service de l’économie, tant que l’agriculture se voudra industrielle, l’outil PNR sera de toute façon insuffisant. Il nous faut inverser le processus et obtenir que l’économie et l’agriculture soient au service de la planète entière, des êtres vivants, de l’écologie et alors, nous pourrons imaginer un parc naturel qui couvrirait toute la France, toute l’Europe et plus.

Pierre Grillet

 

Retour