Parcs naturels régionaux ; bonne ou mauvaise idée ?

Créer un parc naturel régional (PNR) en Gâtine poitevine (79) Bonne ou mauvaise idée ?

Cour des comptes et stations de skis (copie)

Motivations de départ et objectifs des PNR

Septembre 1966 à Lurs en Provence. La DATAR organise une rencontre regroupant des personnalités politiques, des défenseurs de l’environnement et des scientifiques, pour réfléchir sur les futurs « Parcs naturels régionaux » qui seront créés quelques mois plus tard. Dès cette date, la vocation touristique de ces espaces est présentée comme l’objectif n¨1 de la part des autorités. « Il faut créer des aires naturelles de détente au bénéfice des habitants des grandes cités » affirmait alors Monsieur Guichard à Lurs. En 2024, sur le site de la fédération des PNR, on peut lire les objectifs principaux : « la protection d’un patrimoine riche et menacé, notamment par une gestion adaptée des milieux naturels et des paysages, contribuer à l’aménagement du territoire, ainsi qu’au développement économique, social et culturel et à la qualité de vie, assurer l’accueil, l’éducation et l’information du public, réaliser des actions expérimentales ou exemplaires dans ces domaines ou des programmes de recherche ». Voilà qui peut sembler séduisant.

La charte signée par les communes volontaires : élément clé d’un PNR

Les communes concernées décident ou non d’entrer dans le projet PNR de leur territoire. Si elles le font, elles doivent signer une charte élaborée localement qui en sera l’élément conducteur clé. La charte affiche de nombreuses intentions qui doivent logiquement être appliquées, puis évaluées lors de son renouvellement (tous les 15 ans). Des évaluations négatives sans solutions pour y remédier devraient logiquement conduire au retrait du label. La charte a aussi ses limites : ainsi que l’a confirmé le Conseil d’État, « La charte d’un parc naturel régional ne peut légalement contenir de règles opposables aux tiers, qu’il s’agisse de règles de fond ou de règles de procédure », ce qui en atténue profondément la portée réelle. Le PNR du Morvan qui souhaitait intégrer dans le renouvellement de sa charte un règlement concernant les coupes rases forestières s’est retrouvé dans l’obligation de retirer cette mesure sur ordre du préfet.

De 1967 à 2024, un nombre important de PNR officialisés et en cours de création…

Début 2024, la France comptait 58 PNR sur son territoire (56 métropolitains et 2 ultramarins) et au moins entre 10 et 15 à l’étude. Ils représentent 19% du territoire national (9 millions d’hectares), 4 900 communes au total pour 4,4 millions d’habitants, qui y vivent et y travaillent. En Région Nouvelle-Aquitaine on compte aujourd’hui cinq parcs officiels (Landes de Gascogne – 1970, Marais Poitevin – 1979 puis 2014, Périgord-Limousin – 1998, Millevaches – 2004, Médoc - 2018), trois en projets bien avancés en 2024 : la Montagne Basque (PNR Montagne basque), les marais littoraux (PNR des marais du littoral charentais) et la Gâtine poitevine dans les Deux-Sèvres à proximité du PNR du Marais poitevin.

57 ans plus tard, un recul important pour évaluer l’intérêt des PNR

Si les équipes professionnelles engagées dans les structure PNR sont généralement compétentes et motivées avec des apports financiers attractifs pour y conduire quelques initiatives, le recul que l’on peut avoir en 2024 ne permet pas d’afficher un bilan positif. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, le PNR du Vercors est incapable d’enrayer un aménagement touristique destructeur nommé « les sublimes routes du Vercors » qui ne fera que renforcer l’intensité de la circulation automobile sur ces sites fragiles (priorité au tourisme). Entre 2020 et 2022, la chambre régionale des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes a contrôlé le fonctionnement de 7 des 10 parcs naturels régionaux d’Auvergne Rhône-Alpes. Elle constate dans son rapport : « un recul de la biodiversité dans la plupart des PNR, et une artificialisation croissante des sols » en précisant : « ils pâtissent d’un manque de pouvoir sur le plan juridique ».[1] La trop grande dépendance financière des PNR vis-à-vis des petits barons locaux rend d’autant plus improbable leur efficacité. Ainsi, les parcs naturels régionaux du Verdon et du Lubéron, inquiets de la proximité d’une centrale thermique biomasse à Gardanne laissant présager sur leurs territoires de futurs déboisements destructeurs provoqués par les énormes besoins en bois de cette usine, avaient osé se rebeller. Monsieur Renaud Muselier, président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait alors aussitôt menacé de leur couper les subventions s’ils ne rentraient pas dans le rang. Ils ont rapidement obtempéré. Autre exemple avec le PNR de Camargue présidé par le Maire de la ville d’Arles, élu dans cette cité avec le soutien appuyé (à ce moment-là) de monsieur Muselier… Actuellement, le torchon brûle entre Renaud Muselier (encore lui, réélu en 2021 par moins de 23% des électeurs inscrits, ce qui ne l’empêche pas de se comporter en Maître de la région) et Patrick de Carolis pour une sombre histoire de règlement de comptes politiques issus d’une divergence lors des élections régionales de 2021. Monsieur Muselier avait donc décidé tout simplement de couper les vivres au PNR. Bien entendu, les arguments du Président du Conseil régional portent sur une mauvaise gestion du parc, un mauvais fonctionnement, de mauvais résultats… De tels arguments sont certainement justifiés. Mais pourquoi avoir attendu une défection politique de la part du Président de ce PNR, son ancien allié, pour décider de lui « couper les vivres » alors que ces dysfonctionnements existaient déjà de longue date et semblaient ne poser aucun problème au chef régional ? Que dire également de ces partenaires du PNR de Camargue : on y retrouve Arcelor Mittal, EDF, TOTAL, Véolia, Crédit Agricole, BNP Paribas, ainsi qu’une fondation créée par le responsable du groupe « Pierre et Vacances » et des fameux « Center Parcs ». En Auvergne Rhône-Alpes, Monsieur Laurent Wauquiez, suite à son élection à la tête de la région en 2015 (par moins de 22% des électeurs inscrits), s’était empressé de changer la présidence du PNR du Vercors… Plus près de la Gâtine, le parc naturel régional du Marais poitevin créé dès 1979 et qui disait « œuvrer pour la sauvegarde, la restauration et la valorisation du Marais poitevin dans une dynamique de développement durable », a été le seul parc en France à voir son label retiré en 1996, pendant plusieurs années (18 ans), en raison du non-respect de sa charte (beaucoup d’autres auraient également largement mérité de voir leur label retiré…). En cause, la disparition des prairies humides au profit de pratiques agricoles industrielles céréalières. Nous pourrions également évoquer un vieux PNR en zones humides et milieux bocagers, celui de la Brière (Loire-Atlantique) créé en 1970. Le témoignage de Didier Montfort, naturaliste et ancien membre du conseil scientifique de ce parc est éloquent : « ce Parc de Brière n’est qu’un « ventre mou », tellement mou politiquement qu’il évacue tous les sujets qui fâchent, et qu’il est devenu désormais benoîtement consensuel, sans courage, comme la plupart des PNR... J’ai été membre du Conseil Scientifique du PNR à partir de 2000, j’en ai démissionné au bout de 9 ans, dégoûté… La biodiversité des marais et du bocage briérons s’effondre à grande vitesse, malgré les alarmes répétées de quelques usagers, marginalisés, dont je fais partie. On assiste à un urbanisme anarchique et des lotissements exponentiels, avec une chute chronique et dramatique de nos composantes écologiques patrimoniales les plus remarquables… Malgré les urgences et les priorités, continuent d’être privilégiés, encore et toujours, les films touristiques, les brochures, les expositions et autres documentaires, tous plus idylliques les uns que les autres, mais trompeurs...un belvédère monumental, bien joli mais d’un coût quelque peu impudent...un beau livre « Anniversaire des 50 ans », avec, petit détail révélateur, une sorte de barque fort peu traditionnelle en couverture et des chapitres au regard rétrospectif des plus complaisants, etc.. Le tout sous les yeux désabusés des usagers des marais, de moins en moins «Maîtres chez eux», d’une Commission syndicale de plus en plus dépossédée de ses prérogatives et de ses moyens, et d’un Conseil scientifique du PNR inopérant, qui ne conseille personne puisque jamais, ou presque, réuni et consulté ... C’est probablement pour toutes ces raisons, et d’autres encore, que la plupart des usagers de nos marais ne se sont jamais réellement appropriés la politique et les orientations de ce Parc Naturel Régional, vis-à-vis duquel ils restent souvent distants et circonspects, voire hostiles…» (com. pers.)

Un PNR en Gâtine poitevine (Deux-Sèvres) bonne ou mauvaise idée ?

Les élus de Gâtine accompagnés par nombre d’associations s’affairent pour obtenir ce nouveau PNR. Nous sommes sur un espace essentiellement bocager grossièrement localisé entre Saint Maixent (au centre du département) et Bressuire (au nord), avec, comme ville principale, Parthenay. Ce projet devrait aboutir d’ici deux années environ. Une idée relativement consensuelle, justifiée par la nécessité de protéger un paysage bocager fort menacé et l’obtention d’une reconnaissance nationale de la valeur d’un tel espace. Les paysans locaux ont su conserver, tant bien que mal et malgré des politiques agricoles particulièrement défavorables, l’ensemble des composantes d’un paysage bocager en raison de la nature des sols et de leurs pratiques en polyculture-élevage. En 2024, force est de constater que ces paysans sont de moins en moins nombreux et se font remplacer par des exploitants agricoles qui ne cessent de s’agrandir au fur et à mesure des départs, encouragés par la PAC et par le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA. Sur Vasles, commune de moins en moins bocagère de Gâtine qui se retrouvera au sein de ce PNR, une ferme des mille vaches avance en toute discrétion. On note une parcelle agricole d’un seul tenant de plus de 100 ha au sein d’un groupement de près de 300 ha de cultures et plus de 700 bovins, tous connectés en stabulation. Le groupement qui ne compte que trois salariés a l’autorisation d’élever jusqu’à 900 animaux ! La FNSEA encourage ce type de pratiques alors qu’elle est elle-même membre de la fédération des PNR ! Autre constat, l’un des porteurs de ce projet de PNR est un élu, exploitant agricole et membre de la FNSEA. Le futur PNR n’aura aucun pouvoir sur les orientations agricoles, aucun pouvoir supplémentaire concernant les haies au niveau des exploitations agricoles. Dans sa phase actuelle de conception, aucune pratique de démocratie directe n’est tentée afin de connaître les attentes et propositions de la population alors que l’échelle du territoire (environ 37 000 habitants) pourrait s’y prêter. La démocratie participative y est très limitée car réduite à une centaine de « grands conseillers » choisis parmi les associations et structures déjà engagées au niveau de la Gâtine. Il est primordial aujourd’hui de réfléchir en y associant l’ensemble des habitants sur le devenir d’un tel espace. Mais une telle réflexion devrait se faire en dehors de ce carcan PNR. Il y aurait besoin d’un véritable moment d’éducation populaire afin d’inciter l’ensemble des habitants à bien connaître leurs espaces de vie et les relations qui s’y nouent. Ces temps de formation pourraient déboucher sur la constitution de groupes locaux ouverts à tous et chargés de mettre en place un nouveau scénario permettant d’habiter un espace sans le piller tout en sachant utiliser avec raison ses ressources et y accueillir le plus dignement possible les personnes qualifiées « d’étrangères ». Nous avons besoin de revoir l’habitat, l’utilisation de nos ressources communes telles que l’eau, réfléchir sur le type d’agriculture dont on a réellement besoin, la manière dont on traite les sols et sur les échanges nécessaires qui peuvent être mis en place avec d’autres territoires. Nous devons réfléchir sur la manière de permettre à toute la population concernée de choisir réellement sa nourriture sans contrainte de budget. Le cadre ancien des PNR, trop poussiéreux, institutionnel et beaucoup trop restreint, ne répond pas aux enjeux actuels car il se focalise pour l’essentiel sur deux choses : le tourisme et la valorisation de produits locaux. On le voit bien dans les PNR déjà existants. La concrétisation d’un PNR pourra aussi donner l’impression à ses habitants que tout y serait pris en compte et les problèmes ainsi résolus avec l’aide d’équipes professionnelles et d’un peu d’argent. Pendant ce temps-là, sous les effets conjugués des politiques agricoles et sociales qui n’épargnent aucunement les parcs naturels, le nombre de personnes en situation d’appauvrissement, la précarité alimentaire et la régression de l’ensemble du vivant associée avec la disparition des bocages continueront leur progression mortifère. Mais l’essentiel (aux yeux de certains élus locaux) sera sauvé : on aura fait aboutir un « beau projet de développement local structurant et fédérateur », on pourra se vanter d’avoir obtenu un quasi « consensus » (un mot très recherché par tous les pouvoirs) qui permettront de mieux attirer les touristes et leur vendre par exemple du foie gras estampillé « parc naturel régional ». Une façade de plus pour laisser croire que l’on se soucierait ainsi de l’ensemble du vivant. Une façade de plus pour faire semblant de changer tout en préservant le « business as usual »…

Ne soyons pas dupes, ce projet de PNR n’est qu’une entourloupe supplémentaire.

P.G.

[1] 2022 (novembre). « Les parcs naturels régionaux en Auvergne-Rhône-Alpes ». CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-parcs-naturels-regionaux-en-auvergne-rhone-alpes#:~:text=En%202020%2C%202021%20et%202022,th%C3%A8me%20des%20parcs%20naturels%20r%C3%A9gionaux.

Cour des comptes et stations de skis

Motivations de départ et objectifs des PNR

Septembre 1966 à Lurs en Provence. La DATAR organise une rencontre regroupant des personnalités politiques, des défenseurs de l’environnement et des scientifiques, pour réfléchir sur les futurs « Parcs naturels régionaux » qui seront créés quelques mois plus tard. Dès cette date, la vocation touristique de ces espaces est présentée comme l’objectif n¨1 de la part des autorités. « Il faut créer des aires naturelles de détente au bénéfice des habitants des grandes cités » affirmait alors Monsieur Guichard à Lurs. En 2024, sur le site de la fédération des PNR, on peut lire les objectifs principaux : « la protection d’un patrimoine riche et menacé, notamment par une gestion adaptée des milieux naturels et des paysages, contribuer à l’aménagement du territoire, ainsi qu’au développement économique, social et culturel et à la qualité de vie, assurer l’accueil, l’éducation et l’information du public, réaliser des actions expérimentales ou exemplaires dans ces domaines ou des programmes de recherche ». Voilà qui peut sembler séduisant.

La charte signée par les communes volontaires : élément clé d’un PNR

Les communes concernées décident ou non d’entrer dans le projet PNR de leur territoire. Si elles le font, elles doivent signer une charte élaborée localement qui en sera l’élément conducteur clé. La charte affiche de nombreuses intentions qui doivent logiquement être appliquées, puis évaluées lors de son renouvellement (tous les 15 ans). Des évaluations négatives sans solutions pour y remédier devraient logiquement conduire au retrait du label. La charte a aussi ses limites : ainsi que l’a confirmé le Conseil d’État, « La charte d’un parc naturel régional ne peut légalement contenir de règles opposables aux tiers, qu’il s’agisse de règles de fond ou de règles de procédure », ce qui en atténue profondément la portée réelle. Le PNR du Morvan qui souhaitait intégrer dans le renouvellement de sa charte un règlement concernant les coupes rases forestières s’est retrouvé dans l’obligation de retirer cette mesure sur ordre du préfet.

De 1967 à 2024, un nombre important de PNR officialisés et en cours de création…

Début 2024, la France comptait 58 PNR sur son territoire (56 métropolitains et 2 ultramarins) et au moins entre 10 et 15 à l’étude. Ils représentent 19% du territoire national (9 millions d’hectares), 4 900 communes au total pour 4,4 millions d’habitants, qui y vivent et y travaillent. En Région Nouvelle-Aquitaine on compte aujourd’hui cinq parcs officiels (Landes de Gascogne – 1970, Marais Poitevin – 1979 puis 2014, Périgord-Limousin – 1998, Millevaches – 2004, Médoc - 2018), trois en projets bien avancés en 2024 : la Montagne Basque (PNR Montagne basque), les marais littoraux (PNR des marais du littoral charentais) et la Gâtine poitevine dans les Deux-Sèvres à proximité du PNR du Marais poitevin.

57 ans plus tard, un recul important pour évaluer l’intérêt des PNR

Si les équipes professionnelles engagées dans les structure PNR sont généralement compétentes et motivées avec des apports financiers attractifs pour y conduire quelques initiatives, le recul que l’on peut avoir en 2024 ne permet pas d’afficher un bilan positif. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, le PNR du Vercors est incapable d’enrayer un aménagement touristique destructeur nommé « les sublimes routes du Vercors » qui ne fera que renforcer l’intensité de la circulation automobile sur ces sites fragiles (priorité au tourisme). Entre 2020 et 2022, la chambre régionale des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes a contrôlé le fonctionnement de 7 des 10 parcs naturels régionaux d’Auvergne Rhône-Alpes. Elle constate dans son rapport : « un recul de la biodiversité dans la plupart des PNR, et une artificialisation croissante des sols » en précisant : « ils pâtissent d’un manque de pouvoir sur le plan juridique ».[1] La trop grande dépendance financière des PNR vis-à-vis des petits barons locaux rend d’autant plus improbable leur efficacité. Ainsi, les parcs naturels régionaux du Verdon et du Lubéron, inquiets de la proximité d’une centrale thermique biomasse à Gardanne laissant présager sur leurs territoires de futurs déboisements destructeurs provoqués par les énormes besoins en bois de cette usine, avaient osé se rebeller. Monsieur Renaud Muselier, président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait alors aussitôt menacé de leur couper les subventions s’ils ne rentraient pas dans le rang. Ils ont rapidement obtempéré. Autre exemple avec le PNR de Camargue présidé par le Maire de la ville d’Arles, élu dans cette cité avec le soutien appuyé (à ce moment-là) de monsieur Muselier… Actuellement, le torchon brûle entre Renaud Muselier (encore lui, réélu en 2021 par moins de 23% des électeurs inscrits, ce qui ne l’empêche pas de se comporter en Maître de la région) et Patrick de Carolis pour une sombre histoire de règlement de comptes politiques issus d’une divergence lors des élections régionales de 2021. Monsieur Muselier avait donc décidé tout simplement de couper les vivres au PNR. Bien entendu, les arguments du Président du Conseil régional portent sur une mauvaise gestion du parc, un mauvais fonctionnement, de mauvais résultats… De tels arguments sont certainement justifiés. Mais pourquoi avoir attendu une défection politique de la part du Président de ce PNR, son ancien allié, pour décider de lui « couper les vivres » alors que ces dysfonctionnements existaient déjà de longue date et semblaient ne poser aucun problème au chef régional ? Que dire également de ces partenaires du PNR de Camargue : on y retrouve Arcelor Mittal, EDF, TOTAL, Véolia, Crédit Agricole, BNP Paribas, ainsi qu’une fondation créée par le responsable du groupe « Pierre et Vacances » et des fameux « Center Parcs ». En Auvergne Rhône-Alpes, Monsieur Laurent Wauquiez, suite à son élection à la tête de la région en 2015 (par moins de 22% des électeurs inscrits), s’était empressé de changer la présidence du PNR du Vercors… Plus près de la Gâtine, le parc naturel régional du Marais poitevin créé dès 1979 et qui disait « œuvrer pour la sauvegarde, la restauration et la valorisation du Marais poitevin dans une dynamique de développement durable », a été le seul parc en France à voir son label retiré en 1996, pendant plusieurs années (18 ans), en raison du non-respect de sa charte (beaucoup d’autres auraient également largement mérité de voir leur label retiré…). En cause, la disparition des prairies humides au profit de pratiques agricoles industrielles céréalières. Nous pourrions également évoquer un vieux PNR en zones humides et milieux bocagers, celui de la Brière (Loire-Atlantique) créé en 1970. Le témoignage de Didier Montfort, naturaliste et ancien membre du conseil scientifique de ce parc est éloquent : « ce Parc de Brière n’est qu’un « ventre mou », tellement mou politiquement qu’il évacue tous les sujets qui fâchent, et qu’il est devenu désormais benoîtement consensuel, sans courage, comme la plupart des PNR... J’ai été membre du Conseil Scientifique du PNR à partir de 2000, j’en ai démissionné au bout de 9 ans, dégoûté… La biodiversité des marais et du bocage briérons s’effondre à grande vitesse, malgré les alarmes répétées de quelques usagers, marginalisés, dont je fais partie. On assiste à un urbanisme anarchique et des lotissements exponentiels, avec une chute chronique et dramatique de nos composantes écologiques patrimoniales les plus remarquables… Malgré les urgences et les priorités, continuent d’être privilégiés, encore et toujours, les films touristiques, les brochures, les expositions et autres documentaires, tous plus idylliques les uns que les autres, mais trompeurs...un belvédère monumental, bien joli mais d’un coût quelque peu impudent...un beau livre « Anniversaire des 50 ans », avec, petit détail révélateur, une sorte de barque fort peu traditionnelle en couverture et des chapitres au regard rétrospectif des plus complaisants, etc.. Le tout sous les yeux désabusés des usagers des marais, de moins en moins «Maîtres chez eux», d’une Commission syndicale de plus en plus dépossédée de ses prérogatives et de ses moyens, et d’un Conseil scientifique du PNR inopérant, qui ne conseille personne puisque jamais, ou presque, réuni et consulté ... C’est probablement pour toutes ces raisons, et d’autres encore, que la plupart des usagers de nos marais ne se sont jamais réellement appropriés la politique et les orientations de ce Parc Naturel Régional, vis-à-vis duquel ils restent souvent distants et circonspects, voire hostiles…» (com. pers.)

Un PNR en Gâtine poitevine (Deux-Sèvres) bonne ou mauvaise idée ?

Les élus de Gâtine accompagnés par nombre d’associations s’affairent pour obtenir ce nouveau PNR. Nous sommes sur un espace essentiellement bocager grossièrement localisé entre Saint Maixent (au centre du département) et Bressuire (au nord), avec, comme ville principale, Parthenay. Ce projet devrait aboutir d’ici deux années environ. Une idée relativement consensuelle, justifiée par la nécessité de protéger un paysage bocager fort menacé et l’obtention d’une reconnaissance nationale de la valeur d’un tel espace. Les paysans locaux ont su conserver, tant bien que mal et malgré des politiques agricoles particulièrement défavorables, l’ensemble des composantes d’un paysage bocager en raison de la nature des sols et de leurs pratiques en polyculture-élevage. En 2024, force est de constater que ces paysans sont de moins en moins nombreux et se font remplacer par des exploitants agricoles qui ne cessent de s’agrandir au fur et à mesure des départs, encouragés par la PAC et par le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA. Sur Vasles, commune de moins en moins bocagère de Gâtine qui se retrouvera au sein de ce PNR, une ferme des mille vaches avance en toute discrétion. On note une parcelle agricole d’un seul tenant de plus de 100 ha au sein d’un groupement de près de 300 ha de cultures et plus de 700 bovins, tous connectés en stabulation. Le groupement qui ne compte que trois salariés a l’autorisation d’élever jusqu’à 900 animaux ! La FNSEA encourage ce type de pratiques alors qu’elle est elle-même membre de la fédération des PNR ! Autre constat, l’un des porteurs de ce projet de PNR est un élu, exploitant agricole et membre de la FNSEA. Le futur PNR n’aura aucun pouvoir sur les orientations agricoles, aucun pouvoir supplémentaire concernant les haies au niveau des exploitations agricoles. Dans sa phase actuelle de conception, aucune pratique de démocratie directe n’est tentée afin de connaître les attentes et propositions de la population alors que l’échelle du territoire (environ 37 000 habitants) pourrait s’y prêter. La démocratie participative y est très limitée car réduite à une centaine de « grands conseillers » choisis parmi les associations et structures déjà engagées au niveau de la Gâtine. Il est primordial aujourd’hui de réfléchir en y associant l’ensemble des habitants sur le devenir d’un tel espace. Mais une telle réflexion devrait se faire en dehors de ce carcan PNR. Il y aurait besoin d’un véritable moment d’éducation populaire afin d’inciter l’ensemble des habitants à bien connaître leurs espaces de vie et les relations qui s’y nouent. Ces temps de formation pourraient déboucher sur la constitution de groupes locaux ouverts à tous et chargés de mettre en place un nouveau scénario permettant d’habiter un espace sans le piller tout en sachant utiliser avec raison ses ressources et y accueillir le plus dignement possible les personnes qualifiées « d’étrangères ». Nous avons besoin de revoir l’habitat, l’utilisation de nos ressources communes telles que l’eau, réfléchir sur le type d’agriculture dont on a réellement besoin, la manière dont on traite les sols et sur les échanges nécessaires qui peuvent être mis en place avec d’autres territoires. Nous devons réfléchir sur la manière de permettre à toute la population concernée de choisir réellement sa nourriture sans contrainte de budget. Le cadre ancien des PNR, trop poussiéreux, institutionnel et beaucoup trop restreint, ne répond pas aux enjeux actuels car il se focalise pour l’essentiel sur deux choses : le tourisme et la valorisation de produits locaux. On le voit bien dans les PNR déjà existants. La concrétisation d’un PNR pourra aussi donner l’impression à ses habitants que tout y serait pris en compte et les problèmes ainsi résolus avec l’aide d’équipes professionnelles et d’un peu d’argent. Pendant ce temps-là, sous les effets conjugués des politiques agricoles et sociales qui n’épargnent aucunement les parcs naturels, le nombre de personnes en situation d’appauvrissement, la précarité alimentaire et la régression de l’ensemble du vivant associée avec la disparition des bocages continueront leur progression mortifère. Mais l’essentiel (aux yeux de certains élus locaux) sera sauvé : on aura fait aboutir un « beau projet de développement local structurant et fédérateur », on pourra se vanter d’avoir obtenu un quasi « consensus » (un mot très recherché par tous les pouvoirs) qui permettront de mieux attirer les touristes et leur vendre par exemple du foie gras estampillé « parc naturel régional ». Une façade de plus pour laisser croire que l’on se soucierait ainsi de l’ensemble du vivant. Une façade de plus pour faire semblant de changer tout en préservant le « business as usual »…

Ne soyons pas dupes, ce projet de PNR n’est qu’une entourloupe supplémentaire.

P.G.

[1] 2022 (novembre). « Les parcs naturels régionaux en Auvergne-Rhône-Alpes ». CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-parcs-naturels-regionaux-en-auvergne-rhone-alpes#:~:text=En%202020%2C%202021%20et%202022,th%C3%A8me%20des%20parcs%20naturels%20r%C3%A9gionaux.

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