Un projet mystérieux de boisement

Révoltes agricoles

Monsieur Attal, faire confiance à la FNSEA, aux J.A. et à la C.R,[01] hors de question !

Lors de son discours dans une ferme de Montastruc-de-Salies en Occitanie le 26 janvier 2024, il fallait apprécier le décorum ; Gabriel Attal, derrière une botte de paille, deux ministres assis, celui de l’agriculture qui semble admiratif des paroles de son patron et l’autre, hagard, présent sur ordre pour valider des mesures totalement contraires à l’environnement que lui-même est censé défendre avec, en toile de fond, quelques paysans révoltés mais très sages et un hangar agricole (une stabulation ?) afin de mettre en scène un premier ministre « sur le terrain agricole » au milieu des « gueux ».

Celui-ci venu pour nouer des liens et montrer toute sa solidarité vis-à-vis d’un monde qu’il ne connaît pas, qu’il méprise et dont il contribue quotidiennement, par ses choix politiques, à faire disparaître au prix d’une concurrence de plus en plus forte, a répété qu’il n’était pas question d’intervenir sur les pratiques agricoles, maîtrisées par des professionnels qui connaissent parfaitement leur métier et vis-à-vis desquels nous devons avoir une confiance totale. Le premier ministre a aussi très clairement évoqué ces français (aux motivations douteuses) qui osent critiquer les agriculteurs en précisant bien qu’il souhaitait ne plus vouloir « accepter ce type de discours dans le débat public ». Un nouveau délit en perspective ? Avec aussi un ennemi désigné : l’écolo…

La nécessité d’un droit de regard citoyen

Certes, être agriculteur, paysan, éleveur, maraîcher exige des savoir-faire, des compétences que nombre d’entre nous ont totalement perdus depuis l’anéantissement, puis l’oubli des civilisations paysannes. Être paysan est devenu un véritable métier, d’autant plus que le modernisme implique l’utilisation d’engins toujours plus chers et compliqués. Mais voilà, les agriculteurs produisent nos aliments et utilisent des ressources qui nous sont communes. Nous sommes toutes et tous obligés de boire de l’eau et de nous nourrir pour vivre. Donc, nous avons un droit, même un devoir, de regard sur la manière dont on cultive nos aliments. Quels produits sont utilisés, avec quelles conséquences pour notre santé, comment traite-t-on les sols que nombre de pratiques actuelles ne cessent d’épuiser. Comment utilise-t-on l’eau, ressource commune, ainsi que toute l’énergie nécessaire pour faire fonctionner des machines de plus en plus sophistiquées. Quels sont les impacts de telle ou telle pratique sur l’ensemble du vivant. Lorsque les productions ne sont pas destinées à l’alimentation, quelles sont-elles, pour quels usages et quelles en sont les pratiques. Toutes ces questions, sans parler de l’argent public destiné à l’agriculture, concernent obligatoirement l’ensemble des citoyens et pas uniquement les professionnels et/ou leurs représentants. Non, il ne peut y avoir de confiance aveugle lorsqu’on voit où l’agriculture industrielle nous a entraînés aujourd’hui. Non, il ne peut y avoir de confiance aveugle lorsqu’on voit que le président du principal syndicat agricole (FNSEA) n’est autre « qu’un administrateur ou dirigeant d’une grosse quinzaine d’entreprises, de holdings et de fermes : directeur de la multinationale Avril (Isio4, Lesieur, Matines, Puget, etc.), administrateur de la holding du même nom, directeur général de Biogaz du Multien, spécialisé dans la méthanisation, administrateur de Saipol, leader français de la transformation de graines en l’huile, président du conseil d’administration de Sofiprotéol, qui finance des crédits aux agriculteurs… ll ne possède pas moins de 700 hectares, principalement des céréales oléagineuses (colza, tournesol) mais aussi du blé, de la betterave, du maïs, et de l’orge. Il est aussi maire (sans étiquette) de sa commune Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne) et vice-président de la communauté de communes du pays de l’Ourcq. ». Comme le rappelle à juste titre L’Humanité.[1] Cette présidence n’a rien d’un « accident de parcours du syndicat » car rappelons-nous que Monsieur Xavier Beulin, lui-même PDG du groupe Avril, fut de 2010 à 2017, jusqu’à sa mort, lui-même président de ce puissant syndicat. En 2022, ce groupe, pour qui tout va très bien,[2] revendiquait 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le contexte inflationniste n’est pas négatif pour tout le monde… La collusion entre la FNSEA et les plus puissants groupes de l’agroalimentaire est ainsi pleinement démontrée. Les agriculteurs qui se révoltent devraient probablement, et en premier lieu, se révolter contre la FNSEA (qui fait aussi office de ministère de l’agriculture bis) et ses dirigeants ! mais attention, cette nécessaire révolte ne passe à aucun moment par une refuge vers une extrême droite qui se fiche pas mal des paysans ou alors seulement avec un argumentaire identitaire et xénophobe. Elle ne passe pas non plus par une Coordination rurale beaucoup trop proche des idées sombres du RN.

 Le discours démagogique de Gabriel Attal du 26 janvier 2024

La confiance tant réclamée par les syndicats majoritaires (FNSEA, JA, complétés à droite par la C.R.) et souhaitée par Attal qui se résume ainsi : « laissez-nous faire notre métier, on sait ce qui est bon pour vous et débarrassez-nous de toutes contraintes » passerait alors par un amoindrissement important (voire une suppression dans certains cas) de certaines mesures environnementales… Ainsi, le premier ministre a sorti « dix mesures de simplifications administratives, qui ont pour commun dénominateur de diminuer les recours environnementaux contre des projets de retenues collinaires, de bassines, ou de nouvelles installations agricoles. De plus, les représentants des agriculteurs, syndicat majoritaire en tête, reçoivent l’assurance de disposer d’un accès direct aux préfets qui auront pour ordre de mettre au pas les administrations jugées trop tatillonnes, au premier rang desquelles l’Office national de la biodiversité », souligne le journaliste Stephan Guérard, pour l’Humanité.[3] Comme c’est facile et démagogique de reprendre les discours des syndicats dominants en laissant paraître que la plupart des problèmes soulevés par les agriculteurs, relèveraient essentiellement de contraintes environnementales trop lourdes… Une petite phrase, passée relativement inaperçue dans les médias en dit long sur les rapports à venir (pourtant déjà très tendus) entre les opposants à l’agriculture industrielle et les autorités : alors que Gabriel Attal évoquait ces français aux motivations louches qui osent critiquer certains agriculteurs, celui-ci a bien précisé ne plus vouloir « accepter ce type de discours dans le débat public »… Une menace ?

 

 

 

Comment passer à côté des vrais problèmes qui dérangent les politiques néolibérales

Pourtant, pour le syndicat paysan « la Confédération paysanne  s’attaquer essentiellement aux « contraintes » environnementales, c’est se tromper totalement de cible. La crise agricole est une crise capitaliste et nécessite une vision toute autre de l’agriculture pour sortir de ces difficultés qui ne cesseront de croître. La suppression de quelques contraintes écologiques ne fera qu’aggraver, à long terme, une telle situation et encourager les conflits avec les consommateurs. Pendant ce temps-là, les politiques de « libre échange » qui se multiplient actuellement sont, elles, particulièrement destructrices pour les agriculteurs. Le 22 novembre 2023, ce sont 83 % des eurodéputé·es, avec le soutien entier de la France (sans aucun débat préalable au parlement français), qui ont voté en faveur de la ratification de l’accord de libéralisation du commerce entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Le 9 décembre 2023, c’est le traité de libre-échange avec le Chili qui est signé par l’Union européenne … Actuellement, les tractations concernant le « Mercosur » notamment avec le Brésil et l’Argentine avancent malgré les déclarations de Macron et le tout récent discours du 26 janvier 2024 de son premier ministre Gabriel Attal : « La France s'oppose de manière très claire à la signature de l'accord commercial controversé entre l'Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur. Je le redis ici de manière très claire, très nette. Le président de la République s'y est toujours opposé et nous continuons et continuerons à nous y opposer ». Voilà qui semble clair effectivement, mais pourtant difficile à croire. Ainsi le journal Reporterre nous rappelle les contradictions de la politique française concernant ces négociations : « En 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron avait déclaré avoir « stoppé net » les négociations à ce sujet. Mais voilà qu’en juin 2023, son désormais ex-ministre du Commerce, Olivier Becht, témoignait vouloir « évidemment conclure » cet accord. « Les négociations n’ont jamais fini, conclut Maxime Combes(économiste). Elles se poursuivent porte close, avec une absence totale de transparence ».[4] Ce journal cite Sylvie Colas, maraîchère et éleveuse de volailles dans le Gers et Secrétaire nationale de la Confédération paysanne : « Les traités de libéralisation du commerce, signés entre l’Union européenne et différents pays étrangers, créent pour nous une véritable concurrence déloyale. N’étant pas soumis aux mêmes normes, les produits importés affichent des prix cassés… tirant ainsi les nôtres vers le bas. » Et, pour la journaliste Sophie Chapelle, ce ne sont pas les fameuses « mesures miroirs »[5] qui vont apporter beaucoup d’améliorations dans ce système. « Celles-ci  permettent à l’Union européenne de gagner du temps, sans opérer de changement structurel ».

Pour Morgan Ody, paysanne en Bretagne et coordinatrice générale de la Via Campesina : « Ces accords anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan. Ils sont basés sur un paradigme obsolète dans lequel les produits agricoles sont traités comme n’importe quelle autre marchandise ». Une telle attitude ne signifie nullement un repli sur soi qui pourrait s’assimiler à une forme de protection contre tout ce qui viendrait de l’extérieur. Dans la conclusion de son texte, Morgan Ody précise : « Nous soutenons la coopération internationale et la solidarité entre les peuples. Les accords de coopération bilatéraux ou birégionaux devraient avoir pour base les droits humains, conformément à la Déclaration sur les droits des paysan·nes et autres personnes travaillant dans les zones rurales (Undrop). Ils doivent permettre un véritable épanouissement agricole qui donne la priorité à la production alimentaire locale et à l’agriculture paysanne ». [6] Le constat est clair : alors que certains gros exploitants s’en sortent parfaitement bien, la majorité des agriculteurs souffre de revenus beaucoup trop bas[7], de dettes permanentes et qui s’alourdissent, le tout conduisant à un suicide d’agriculteur tous les deux jours. Un nombre important de paysans sont malades après avoir utilisé pendant des années des produits toxiques. Les agriculteurs ne cessent de diminuer en effectif pendant que les exploitations restantes, les plus « performantes » et/ou « compétitives » s’agrandissent, encouragées par la PAC avec force subventions et une politique largement soutenue par la FNSEA et son équivalent européen, la Copa, Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne. De tels résultats ne peuvent qu’aboutir au constat d’un véritable échec de la politique agricole actuelle. Quelques mesures phare pourraient au moins limiter ce marasme : l’encadrement des marges des industries agroalimentaires (permettant de faire baisser les prix pour les consommateurs) avec la mise en place de prix planchers (minima)[8] pour l’achat des matières premières agricoles aux producteurs et un moratoire sur les traités de libre-échange.[9] Une proposition de loi contenant trois articles sur l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, de la grande distribution et de l’activité de raffinage et un article sur la fixation d’un prix d’achat plancher des matières premières agricoles aux producteurs, déposée par LFI en novembre 2023 avait été rejetée à… 6 voix près en raison du refus des macronistes et des LR. La mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, une idée développée par le « Réseau salariat »[10] suscite de plus en plus de réflexions au sein de la Confédération paysanne notamment. Une telle initiative pourrait tout à la fois permettre à tous les citoyens de choisir réellement leur nourriture et aux paysans conventionnés, car respectant une certaine qualité de production, de mieux en vivre. Ce serait un beau sujet de travail pour un gouvernement réellement désireux de porter par le haut une agriculture de qualité avec des agriculteurs/paysans heureux de leur métier.

Critiquer l’agriculture industrielle : bientôt un nouveau délit en France ?

Vous laissez croire, monsieur le premier ministre, par vos propos, que nous ne pourrions plus critiquer des pratiques pourtant fortement préjudiciables à la fois pour les paysans, pour notre alimentation, nos ressources et l’ensemble du vivant. Pourtant, même si vous êtes capable d’en faire prochainement un délit (la cellule Demeter[11] est un bon début), de plus en plus de citoyens parmi lesquels de nombreux paysans critiquent et critiqueront une agriculture industrielle autant destructrice du vivant, dont le monde agricole lui-même, que gaspilleuse en énergie et sans avenir. Ils soutiendront autant que possible les paysans travaillant au sein d’exploitations de taille réduite et soucieux de produire une nourriture de qualité. Ils continueront, avec beaucoup d’autres, à combattre ces monstrueuses bassines agricoles dont le seul objectif est de maintenir à tout prix (quel que soit leur coût) une agriculture désormais obsolète. Lors de l’assemblée générale de la FNSEA en avril 2023, devant le ministre Marc Fesneau, un petit bateau faisait office de décor avec en guise de charges, des caisses représentant chacune les malheurs des agriculteurs, enfin, du syndicat. La caisse la plus haute et la plus en vue portait l’inscription : « Confédération paysanne », le syndicat des petits paysans qui s’oppose à la construction des méga-bassines et à l’agriculture industrielle.[12] Vous et vos alliés de la FNSEA refusez de voir deux mondes agricoles opposés. Deux mondes qui expriment deux choix de société radicalement différents. Des choix de société qui, dans une véritable démocratie, devraient incomber à l’ensemble de la population et non pas au seul bon vouloir de quelques représentants agricoles influents et de politiques dont la légitimité s’amenuise au fur et à mesure des élections… Emmanuel Macron devrait se rappeler chaque jour en se rasant qu’il n’a été élu en 2022 que par une proportion minoritaire de français : seulement 38,52% des inscrits au deuxième tour alors qu’il était confronté à l’extrême droite ! Sur ces 38% et selon France Info, 43% disent avoir voté par défaut en premier lieu pour faire barrage à Marine Le Pen. Ce sont donc moins de 22% des électeurs qui ont voté par adhésion à son programme. Même si une telle élection reste parfaitement légale, il y aurait de quoi rester particulièrement humble pour le « pouvoir » en place. De quoi mettre un terme à cette politique autoritaire que nous subissons quotidiennement. De quoi donner plus de place aux discussions et propositions en permettant à tous les citoyens qui le souhaitent de s’exprimer, sans main mise étatique (la caricature d’un soi-disant « grand débat » mis en scène par Emmanuel Macron lors de la révolte des gilets jaunes doit nous servir de leçon). Le véritable enjeu est là et certainement pas de s’en prendre aux quelques réglementations environnementales dont le niveau est déjà bien faible.

Pierre Grillet

L’écolo : ennemi n°1

Au travers des discours récents de Attal et de ces ministres dont le pitoyable Marc Fesneau, « L’écolo » ferait figure d’épouvantail pour notre agriculture. Un ennemi clairement désigné. De quoi motiver encore un peu plus des syndicats très à droite comme la Coordination rurale qui ne dédaigne pas les actions d’intimidations parfois très violentes vis-à-vis de ces militants (ainsi que la FNSEA et les J.A.). Les citoyens opposés aux bassines, tout comme les naturalistes et certains scientifiques qui se préoccupent du sort de telle ou telle espèce menacée, ou plus globalement de prise en compte du vivant, sont montrés du doigt comme étant parmi les principaux responsables du marasme agricole actuel. Un récit mensonger mais finalement relativement efficace vis-à-vis de certaines populations. Un récit fabriqué par un système à bout de souffle et prêt à tout pour se maintenir. Avec une telle attitude du pouvoir, les lendemains qui arrivent promettent d’être particulièrement conflictuels… Et, monsieur le premier ministre, sachez qu’on obtient rarement la confiance en voulant l’imposer.

[01] FNSEA : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. JA : Jeunes agriculteurs, syndicat frère de la FNSEA. C.R. : Coordination rurale, syndicat marqué très à droite.

[1] Pierric Marissal. 2024 (26 janvier). « A la tête de la FNSEA, qui est Arnaud Rousseau, le businessman qui voulait passer pour un paysan ? ». L’Humanité. https://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculteurs/a-la-tete-de-la-fnsea-qui-est-arnaud-rousseau-le-businessman-qui-voulait-passer-pour-un-paysan

[2] L'excédent Brut d'Exploitation (EBE) du groupe AVRIL s’élève en 2022 à 583 millions d’euros, en hausse de 64%. Le chiffre d’affaires atteint 9,0 milliards d’euros, en progression de +32%, tiré par le dynamisme de l’activité économique européenne, le contexte inflationniste des matières premières ainsi que le succès des produits à plus forte valeur ajoutée, comme Oleo100 ou les ingrédients de spécialité. Enfin, le résultat net part du Groupe s’élève à 218 millions d’euros, en progression de +45%.

[3] Stéphane Guérard. 2024 (26 janvier). Colère paysanne : Gabriel Attal annonce des mesures pas chères qui ne convainquent pas les syndicats. L’Humanité. https://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculture/colere-paysanne-gabriel-attal-annonce-des-mesures-pas-cheres-qui-ne-convainquent-pas-les-syndicats

[4] Emmanuel Clévenot. 2024 (24 janvier). « Ça nous a anéanti » : le libre-échange tue l’agriculture française ». Reporterre. https://reporterre.net/Ca-a-nous-a-aneanti-le-libre-echange-tue-l-agriculture-francaise

[5] Une clause miroir est supposée imposer réciproquement les mêmes normes sanitaires, sociales et/ou environnementales sur les biens échangés entre deux parties.

[6] Confédération paysanne. 2024 (25 janvier). « Il est temps de sortir du paradigme du libre-échange ». Un dossier complet à lire. https://www.confederationpaysanne.fr/actu.php?id=14101 Les propos de Sophie Chapelle sont également extraits de ce dossier.

[7] En 2023, il y eu une baisse des prix agricoles de 10% alors que les prix alimentaires pour la population augmentaient de… 14%. Les marges des industries agroalimentaires ont augmenté en deux années de 28 à 48% !

[8] Le prix plancher permettrait d’interdire de vendre des produits en dessous de leur prix de revient

[9] Une proposition de « clause de sauvegarde environnementale et sanitaire » est également portée par des élus. Celle-ci permettrait de refuser l’entrée en France d’un produit qui n’aurait pas respecté les mêmes normes (utilisation par exemple d’un pesticide alors qu’il serait interdit en France) afin d’empêcher toute concurrence déloyale.

[10] Pour en savoir plus sur cette intéressante initiative, il faut aller sur le site de réseau salariat : https://securite-sociale-alimentation.org/membre/reseau-salariat/

[11] Créée sous Macron début octobre 2019 par la Gendarmerie nationale, la « Cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole » (cellule DEMETER) est destinée à apporter une réponse globale et coordonnée à l’ensemble des problématiques de sécurité qui touchent le monde agricole. Dans ce cadre, une convention a également été signée entre le ministère de l'Intérieur et les deux principaux syndicats agricoles, la FNSEA et les JA. Cette cellule vise entre autres : « des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement… ». La porte ouverte pour dénoncer n’importe quel individu écrivant à l’encontre l’agriculture industrielle !

[12] Par courrier au préfet, la FDSEA (fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) du Morbihan avait demandé en avril 2023 l’exclusion de la Confédération paysanne de toutes les instances officielles (départementales, régionales et nationales) ainsi que l’arrêt de ses subventions publiques.

Un mystérieux projet de boisement sur les communes des Forges et Vasles

« Un mystérieux projet de boisement », tel est le titre d’un article écrit par Camille Bouju pour le Courrier de l’Ouest le 3 août 2021. Un titre qui doit nous interpeller. Pourquoi un projet de boisement sur 63,5 ha, a priori vertueux, est-il tenu secret par l’Etat qui aurait donné ses autorisations mais refuse d’en préciser la teneur exacte, ni de révéler l’identité du porteur de projet y compris auprès des mairies concernées.
Même la journaliste n’a pas réussi à obtenir les informations recherchées, un comble. Ce projet serait-il lié par le fameux « secret des affaires » ? Ce secret invoqué par la commission européenne pour ne pas divulguer auprès des députés la teneur des contrats liant l’Europe aux fabricants de vaccins. La démocratie serait-elle malade en France au point de garder secret un projet de boisement qui pourtant devrait concerner l’ensemble des habitants ?
Alors face au secret, tant pis, on va essayer de percer le mystère… A la lecture de l’article, on note immédiatement quelques mots clé, passe partout, que l’autrice a sans doute pu arracher à ses interlocuteurs : on parle d’un projet « propice au développement de la biodiversité » (une phrase que l’on retrouve aujourd’hui dans presque tous les projets) ainsi que d’une exploitation future « de façon raisonnée ». Voilà de quoi rassurer : si le porteur de projet avait spécifié qu’il voulait faire une exploitation intensive et industrielle, que se serait-il passé ? Le mot « raisonné » est aujourd’hui lui aussi un mot passe partout comme on a pu le voir pour l’agriculture…
Mais la liste des essences qui seraient implantées suggère d’autres ambitions : on note une grande majorité de résineux (pins et cèdres pour l’essentiel). Pourtant, si on veut vraiment favoriser la nature, il conviendrait de laisser pousser des essences locales, mieux adaptées. Ce qui n’empêcherait nullement une exploitation. On peut craindre qu’un tel projet ne soit justifié que pour des raisons économiques à court terme pour une rentabilité maximum. Alors que la demande en bois-énergie ne cesse de se développer, la tendance en France, ces dernières années, s’oriente vers une exploitation de plus en plus industrielle des forêts. On constate ici en Gâtine la multiplication des fameuses « coupes à blanc » particulièrement néfastes pour les sols. Le comble, c’est que de tels projets bénéficient de larges subventions au prétexte, comme le souligne la journaliste, de la soi-disant neutralité « bas carbone ».
Alors, il faudra être très vigilant : pourquoi un tel secret ? Pourquoi vouloir implanter des résineux pour l’essentiel ? Dans quelles conditions va se réaliser l’exploitation ? Face à l’absence d’information démocratique, il ne faudra pas s’étonner de la profusion de rumeurs et de questionnements.
Il ne suffit pas d’utiliser des mots qui sonnent bien pour faire passer n’importe quoi : dire qu’on va améliorer la biodiversité est une phrase creuse qui ne signifie rien : de quelle biodiversité parle-t-on ? Qui peut définir exactement ce mot pourtant utilisé par tout le monde aujourd’hui ? Suffit-il de créer quelques mares pour l’améliorer ? Pourquoi ne pas parler plus simplement de la nature ? Et que signifie réellement une « exploitation raisonnée » ? Qui oserait écrire qu’il veut faire une exploitation irraisonnée ?
Une affaire à suivre, comme beaucoup d’autres actuellement …
Pierre Grillet

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